Transport sanitaire : quelles obligations de sécurité pour l'employeur ?

Transport sanitaire : quelles obligations de sécurité pour l'employeur ?

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La négociation collective en entreprise est certes encouragée, parfois même obligatoire. Toutefois, celle-ci comporte des limites. L’étendue de certaines obligations légales telles que l’obligation de sécurité ne peuvent pas être négociées ou revues à la baisse.  

C’est ce qu’est venue rappeler la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 23 septembre 2020 (n°18-23.474). L’affaire concerne l’entretien de la tenue de travail d’un ambulancier en raison du risque de contamination par des agents biologiques pathogènes. 

L’employeur avait essayé de négocier dans le cadre d’un accord collectif la prise en charge de l’entretien des tenues des ambulanciers. En effet, lorsque la nature du travail le justifie, l’employeur doit mettre à disposition une tenue adéquate à ses employés et en assurer l’entretien.

La négociation collective

La négociation collective consiste en un ensemble de discussions entre des représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés dans le but de conclure une convention ou un accord collectif. 

Encouragé par les pouvoirs publics, le dialogue social en entreprise permet de trouver rapidement un consensus aux problématiques de l’entreprise par les acteurs eux-mêmes. Il permet d’apporter une réponse rapide et efficace. 

Il s’agit de négociations, consultations ou un échange d’informations relatives à la politique économique et sociale de l’entreprise dans l’intérêt des acteurs qui y sont présents. 

L’employeur est débiteur d’une obligation de sécurité envers les salariés dont la violation entraîne des effets importants.

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Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

L’obligation de santé et de sécurité à charge de l’employeur

Il est en effet tenu d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés. L’article L.4121-1 du Code du travail prévoit que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent notamment des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. 

Par conséquent, l’employeur est soumis à une obligation générale de sécurité vis-à-vis de ses salariés. 

Conformément à l’article R.4321-1 du Code du travail “L'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.”

Les vêtements de travail imposés à cause des risques encourus doivent être pris en charge par l’employeur. Il s’agit des équipements adaptés et nécessaires. L’objectif est de préserver la santé et la sécurité des travailleurs. 

Ces vêtements et équipements sont à la charge de l’employeur. Conformément à l’article R.4323-95 du Code du travail, les équipements de protection nécessaires sont fournis gratuitement par l’employeur qui assure leur entretien. 

L’entretien des vêtements de travail ne doit engendrer aucune charge financière supplémentaire pour les salariés selon l’article L.4122-2 du Code du travail.

Plusieurs modes de prise en charge sont en principe envisageables, notamment le remboursement des frais d’entretien. 

L’arrêt précité est intéressant, car il précise cette obligation en cas de risque de contamination par des agents biologiques pathogènes. En effet, dans ce cas précis, l’employeur doit s’assurer que les employés sont en mesure d’entretenir correctement leurs habits et qu’ils le font bien. 

Le risque pour la santé du salarié et de ses collègues étant trop important. 

De plus, s’agissant d’une obligation d’ordre public, elle ne peut faire l’objet de négociation et de dérogation. 

En effet, la prévention des risques biologiques est soumise à des dispositions spécifiques présentes aux articles R.4421-1 à R.4427-5 du Code du travail.

La définition des agents biologiques est donnée par l’article R.4421-2 du Code du travail. Il s’agit des  micro-organismes, y compris les micro-organismes génétiquement modifiés, des cultures cellulaires et des endoparasites humains susceptibles de provoquer une infection, une allergie ou une intoxication.

L’article R.4421-3 du Code du travail classe ces agents en 4 groupes en fonction de l’importance du risque de propagation qu’ils présentent et la gravité de l’infection. Seuls les groupes 2, 3, et 4 étant considérés comme pathogènes selon l’article R.4421-3 du Code du travail. 


En définition, les agents du groupe 2 sont les agents pouvant provoquer une maladie grave chez l’homme et constituant un danger pour les travailleurs avec un risque de propagation faible dans la collectivité. 

Les groupes 3 et 4 eux, concernent les agents pouvant provoquer une maladie grave chez l’homme et constituant un danger sérieux pour les travailleurs avec un risque de propagation possible (groupe 3) ou élevé (groupe 4). 

L’employeur est tenu de prendre les mesures de prévention visant à supprimer et réduire au minimum les risques résultant de l’exposition selon l’article R.4422-1 qui reprenant directement les dispositions de l’article L.4121-2 du Code du travail.

Les précisions jurisprudentielles

La Cour de cassation souligne donc à travers cet arrêt du 23 septembre 2020 que même un accord collectif négocié ne peut dispenser l’employeur de mettre en place certaines mesures de prévention des risques professionnels et vient en conséquence appuyer ce caractère d’ordre public. 

L’objet de la contestation reposait dans cette affaire sur la possibilité laissée à l’employeur de se dispenser de l’obligation d’entretien des vêtements de travail qui lui incombait moyennant le versement d’une prime d'entretien. 

Le versement d’une telle prime peut sembler à priori conforme aux dispositions légales en vigueur présentes dans le Code du travail. Cependant, l’exposition à des agents biologiques pathogènes change la donne. Le risque de contamination étant important, l’employeur ne satisfait pas à son obligation de santé et de sécurité en versant une simple prime. Il doit s’assurer de l’entretien correct de ces tenues lui-même et par conséquent assurer l’entretien des tenues. 

Conformément à l’article R.4424-5, l’employeur fournit aux travailleurs des moyens de protection individuels, notamment des vêtements appropriés, veille à ce qu’ils soient enlevés lorsque le travailleur quitte le lieu de travail et fait en sorte qu’ils soient nettoyés, désinfectés avant et après chaque utilisation. 

La Cour d'appel en a exactement déduit que : 

“les dispositions du dernier alinéa de l'article 6 de l'accord du 16 juin 2016 qui autorisaient l'employeur, dans le domaine du transport sanitaire, à ne pas assurer directement l'entretien de la tenue de travail des ambulanciers en leur allouant une indemnité, étaient contraires aux dispositions des articles L. 4121-1, L. 4121-2 et R. 4422-1 du code du travail qui font obligation à l'employeur de prendre les mesures de prévention nécessaires pour supprimer ou réduire les risques professionnels résultant de l'exposition aux agents biologiques, et à ce titre, d'assurer lui- même l'entretien et le nettoyage des tenues professionnelles.”

Ainsi, face à la présence d’agents biologiques et le risque élevé de contamination, l’employeur est le seul à pouvoir prendre en charge l’entretien des tenues de travail. 

Le versement d’une indemnité négociée par accord collectif n’a pas été admis par la Cour de cassation.

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