Passe sanitaire et contrats de travail : quelles conséquences pour les employés ?

Passe sanitaire et contrats de travail : quelles conséquences pour les employés ?

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Avec l’arrivée de la quatrième vague de covid-19, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé le 12 juillet 2021 de nouvelles mesures dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. Parmi ces mesures, une obligation de vaccination pour certains secteurs d’activité où les salariés sont au contact de personnes fragiles ou âgées se présentait.


Un avant-projet de loi composé de 6 articles avait été transmis le 14 juillet 2021 pour avis au Conseil d'État par le gouvernement. Par la suite, le Parlement avait apporté des modifications, notamment concernant le licenciement des salariés soumis au passe sanitaire, et avait définitivement adopté le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire le 25 juillet 2021. Le Premier ministre avait saisi le Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision le 5 août après examen.

La vaccination obligatoire pour certains professionnels

Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire prévoit une obligation vaccinale pour toutes les personnes au contact de personnes fragiles. En effet, il liste les personnes devant être impérativement immunisées contre la covid-19 :

  • les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé, les centres de santé, les maisons de santé, les centres et équipes mobiles de soins, les services de santé liés au travail ou à l’éducation, la plupart des établissements et services médico-sociaux, les logements-foyers qui accueillent des personnes âgées ou handicapées ;
  • les professionnels de santé, ainsi que les élèves, étudiants et autres personnes exerçant avec eux ;
  • les professionnels employés par un particulier employeur qui interviennent au domicile de personnes âgées ou handicapées ;
  • les sapeurs-pompiers et des marins-pompiers, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, les militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile et les membres des associations agréées de sécurité civile ;
  • les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire, c’est-à-dire les ambulanciers, ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale.


Pour continuer à travailler après le 15 septembre 2021, un justificatif de statut vaccinal complet devra être fourni par ces personnes. A défaut, si elles ont au moins reçu une première dose de vaccin avant cette date, elles pourront fournir ce justificatif jusqu’au 15 octobre 2021 afin de ne pas voir leurs contrats de travail suspendus, sans salaire.

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Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

La présentation du passe sanitaire imposées dans certains établissements recevant du public

Le passe sanitaire, initialement instauré jusqu’au 30 septembre 2021, est prolongé jusqu'au 15 novembre 2021. 


Il peut prendre plusieurs formes, notamment :

  • le résultat négatif d’un examen de dépistage RT-PCR ;
  • un test antigénique ;
  • un schéma vaccinal complet ;
  • un certificat de rétablissement suite à une contamination mais sous certaines conditions.


Dès lors que la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue, la présentation du passe sanitaire sera obligatoire dans les établissements, services et événements couverts. 


Le périmètre du passe sanitaire a donc été étendu à de nombreuses activités, notamment les bars et les restaurants, y compris en terrasse, les foires, séminaires et salons professionnels, les transports publics pour les trajets longs interrégionaux, les établissements médicaux, sociaux et médico-sociaux, les grands magasins et les centres commerciaux. 


Le passe sera exigible pour le public dans tous ces lieux et établissements dès l'entrée en vigueur de la loi, soit début août, et pour les personnels qui y travaillent à partir du 30 août 2021. Concernant les enfants de 12 à 17 ans, le passe sanitaire ne sera obligatoire qu’à partir du 30 septembre 2021.


Par ailleurs, le contrôle de la détention d’un passe sanitaire ne peut être réalisé que par les forces de l’ordre ou par les exploitants des lieux, établissements, services et événements concernés. La présentation des documents d’identité ne peut être exigée que par les agents des forces de l’ordre. 


En cas de non-présentation par le public du passe ou en cas d’utilisation frauduleuse, une amende de 135 euros est prévue (plus en cas de récidive). L’absence de contrôle par les commerçants et professionnels chargés de le vérifier est également sanctionnée. En effet, une mise en demeure et une éventuelle fermeture temporaire de l’établissement, ainsi qu’en cas de récidive, une peine d’un an de prison et 9 000 euros d’amende, sont prévues. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces peines n’étaient pas disproportionnées.

Les conséquences pour les salariés : la suspension du contrat de travail

Initialement, à défaut de présenter un passe sanitaire, les salariés ne pouvaient plus exercer leur activité. Une interdiction d’exercer était alors notifiée et le fait pour un professionnel de ne plus pouvoir exercer pendant une période de plus de 2 mois pouvait justifier son licenciement. Un risque de licenciement était donc prévu pour les salariés concernés. Cependant, les parlementaires ont supprimé la possibilité d’un licenciement en cas de défaut de vaccination ou de présentation du passe sanitaire.


Les salariés concernés devront toujours présenter un passe sanitaire, c’est-à-dire un résultat d’un examen de dépistage virologique négatif (PCR ou antigénique), un justificatif de vaccination, un certificat de rétablissement ou un certificat de contre-indication médicale dans certains cas, afin de continuer à exercer leur activité. En l’absence de cette présentation, le salarié aura la possibilité de poser ses jours de repos conventionnels ou ses jours de congés payés avec l’accord de son employeur. L’employeur pourra toujours notifier la suspension du contrat de travail sans salaire, notamment lors du retour du salarié. Cette suspension prendra fin dès que le salarié aura produit les justificatifs nécessaires. Dans la situation où les justificatifs ne sont pas produits dans les délais, le salarié sera convoqué à un entretien et une affectation sur un autre poste, sans contact avec le public, pourra lui être proposée. Par conséquent, la prolongation de cette situation ne permettra pas aux employeurs de licencier les salariés concernés.


En revanche, les contrats de travail à durée déterminée et les contrats de travail temporaire pouvaient être rompus par les employeurs avant l’échéance de leurs termes si les salariés ne disposaient pas d’un passe sanitaire nécessaire pour l’exercice de leurs fonctions. Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions. Par conséquent, la loi qui est entrée en vigueur permet pas la rupture des CDD ou des contrats de travail temporaire au motif que les salariés ne présentent pas le passe sanitaire. 


Par ailleurs, une obligation de vigilance s'impose pour les employeurs. En effet, ces derniers devront vérifier le respect des obligations prévues par le projet de loi. Des sanctions pénales sont prévues.


Le projet de loi prévoit également une autorisation d’absence rémunérée afin de faciliter la vaccination. Les salariés, ainsi que les stagiaires, bénéficieront d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations, mais également pour accompagner un mineur ou un majeur protégé dont ils ont la charge à un rendez-vous de vaccination. Ces absences n'entraînent aucune diminution de leur rémunération, puisqu’elles seront assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés et pour les droits légaux ou conventionnels acquis par ces salariés au titre de leur ancienneté dans l’entreprise.


En résumé, la décision du Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité de la loi le 5 août 2021, les dispositions sur l’extension du passe sanitaire ont été validées. En revanche, les dispositions concernant la rupture anticipée du CDD en cas de non présentation du passe sanitaire par le salarié ont été censurées. Par application du principe d’égalité, les personnes en CDD doivent être traitées de la même manière que les personnes en CDI. Ainsi, puisque la loi ne prévoit pas la possibilité de rompre un CDI prématurément en cas de refus de présentation du passe sanitaire, les personnes en CDD doivent également bénéficier du même traitement. Une telle différence de traitement est sans lien avec l'objectif poursuivi selon le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel des dispositions. La loi a été promulguée et publiée au journal officiel. Elle est entrée en vigueur dès le 9 août 2021. Le décret d’application la complétant sera publié prochainement.

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