Survalorisation des pourboires : pourquoi l'employeur doit rester vigilant

Survalorisation des pourboires : pourquoi l'employeur doit rester vigilant

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Qu’est-ce qu'un pourboire ?

Il s’agit d’une gratification versée par les clients. La pratique du pourboire est très courante dans les hôtels, les cafés et les restaurants. Dès lors qu’elle résulte des usages d’une profession ou est prise en considération par un accord collectif, le pourboire constitue un salaire.


L'employeur est dans l’obligation de remettre intégralement au personnel intéressé, c’est-à-dire au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de remettre directement des pourboires, les sommes reçues par lui soit à titre bénévole, soit à titre de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes et qui correspondent à des pourboires versés pour le service. Par ailleurs, il ne peut imputer sur les pourboires des sommes dont le versement lui incombe légalement ou conventionnellement.


D’après les dispositions de l’article R. 3244-2 du Code du travail, les catégories de personnel qui doivent prendre part à la répartition, les modalités de la répartition et les modes de justification à la charge de l'employeur sont déterminés par les conventions de branche et, à défaut, par des décrets.

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Dans un raisonnement analogue, l’absence d’un demandeur d’asile à l’audience a été considérée comme justifiée « compte tenu de la pandémie du Covid-19 en cours et des mesures de confinement prises par l’autorité publique, alors que le département du Haut-Rhin constitue un foyer majeur de l’épidémie, les circonstances caractérisant un cas de force majeure » (CA Colmar, 6ème chambre, 23 Mars 2020, n°20/01206 et n°20/01207).

La base de calcul de la somme reversée

La redistribution des sommes perçues à titre de pourboire peut s'opérer à partir d'un prélèvement effectué sur le chiffre d'affaires de l'entreprise. Mais quelle est alors la base qui doit être prise en compte pour le calcul de la somme reversée ? 


Conformément à l'article L. 3244-1 du Code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, “toutes les perceptions faites pour le service par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui” sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement. 


Il s’agit d’une règle d’ordre public ! Il n’est donc pas possible d’y déroger par le contrat de travail ou par accord collectif. Cependant, cela n’empêche pas l’employeur de reverser aux salariés une somme supérieure à celle facturée aux clients, en application d’un accord collectif ou d’une clause du contrat de travail. C’est ce qu’a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2021. Ainsi, l’assiette de calcul des pourboires peut être élargie.


En effet, les dispositions de l'article L. 3244-1 du Code du travail ne font pas obstacle à ce qu'il soit décidé que les sommes reversées par l'employeur au titre d'une rémunération au pourboire avec un salaire minimum garanti soient calculées sur la base d'une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service.


Dans les faits, un accord d’entreprise mentionnait que le montant des pourboires à répartir représentait 15 % du chiffre d’affaires hors taxe. Les salariés de la brasserie ont saisi la juridiction prud'homale d'une action en paiement de rappels de salaire au motif que selon eux l'accord d'entreprise qui stipulait que les pourboires, centralisés par l'employeur, étaient égaux à 15 % du chiffre d'affaires hors taxe devait s'entendre du chiffre d'affaires hors taxe, mais service inclus.


L'employeur soutenait, quant à lui, que le pourcentage pour service redistribué devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service, quand bien même l'accord d'entreprise n'était pas précis sur ce point et ne l'excluait pas expressément. Sans quoi cela l’obligeait à reverser aux salariés plus que la somme facturée aux clients au titre du service et à relever le taux du service à 17,25 %.


Cependant, la Cour de cassation précise bien que l'employeur ne pouvait pas calculer la rémunération en retirant le montant du service de son chiffre d'affaires. En effet, dès lors que le montant du service compris dans les sommes facturées aux clients entre dans le chiffre d'affaires réalisé par la société et que rien ne permettait avec certitude d'exclure le service de l'assiette de calcul, le pourcentage de 15 % devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires service inclus.  Le montant du service fait donc partie intégrante du chiffre d'affaires généré. 


Par conséquent, lorsqu’un accord collectif ou des contrats de travail prévoient que le montant des pourboires à redistribuer sont égal à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxe, avant d'appliquer les 15 %, l'employeur ne peut déduire du chiffre d'affaires les sommes versées par les clients au titre du service. Il est fait référence au chiffre d'affaires hors taxes et non pas hors taxe et hors service.

Appel à la vigilance des employeurs !

Les employeurs doivent être extrêmement précis sur la base de calcul retenue. 


L'imprécision des termes employés dans l'accord d'entreprise ou dans les contrats de travail peut poser des difficultés à l’employeur. Dans cet arrêt, il était impossible d'admettre avec conviction que le pourcentage devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service. 


L’employeur a donc parfaitement la possibilité de prévoir une répartition stricte des sommes liées au service à partir d'un pourcentage du chiffre d'affaires hors service et hors taxes. Cependant, ces modalités de répartition doivent apparaître de manière claire et non-équivoque dans les dispositions conventionnelles. À défaut, l’employeur peut être amené à survaloriser le montant payé pour service au profit des salariés. 


Par conséquent, notez le bien chers employeurs, pour pouvoir exclure le montant du service de son calcul, vous devez le préciser expressément dans l’accord collectif et les contrats de travail.

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