En 2011, un salarié engagé en tant que comptable et commissaire aux comptes dans la même entreprise, pouvait dans le cadre de ses missions, être amené à contrôler les comptes de l’entreprise 🤨. Un problème s’est rapidement présenté, il était celui à établir ces comptes 🤭. Il s’agit d’une situation d’auto-révision. Le Code de déontologie des commissaires aux comptes interdit cette double fonction ⛔. Ainsi, dans le respect de cette déontologie, le salarié a alerté l’employeur d’un conflit d'intérêt, et saisi la compagnie régionale des commissaires aux comptes. En réponse, l’employeur l’a licencié pour faute grave 😱.
Le salarié s’est tourné vers le conseil des prud’hommes, intentant une action en annulation de son licenciement. Onze ans plus tard, la Cour de cassation 🏛 doit déterminer si le licenciement d’un salarié ayant dénoncé les manquements déontologiques commis par son employeur devait être considéré comme nul 🙅.
Dans l’état actuel du droit, le comportement du salarié s’assimile à celui du lanceur d’alerte 🚨. Il dénonce un comportement prohibé. Or, depuis la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 🕵️♀️, le lanceur d’alerte est protégé, notamment par l’article L. 1132-3-3 du Code du travail 📕. Cette disposition prévoit que le salarié ne peut pas être sanctionné pour avoir dénoncé des faits constituants un délit ou un crime, dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions. ☝ Il faut néanmoins remplir une condition pour bénéficier de cette protection : agir de bonne foi.
La loi Sapin II du 9 décembre 2016 renforce d’ailleurs la protection du lanceur d’alerte de bonne foi, en prohibant les représailles à son encontre.
La protection est claire. Une difficulté apparaît néanmoins dans cette affaire. Le salarié ayant été licencié en 2011, les dispositions précitées ne s’appliquent pas à sa situation 😩😓. En 2011, le Code du travail ne contenait aucune disposition permettant de protéger le salarié lanceur d’alerte 😕.
La Cour de cassation ne s’est donc pas fondée sur la loi française protégeant le lanceur d’alerte. Elle a trouvé une protection équivalente dans le droit européen. En effet, c’est sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme 📜, que les juges s’appuient pour confirmer la nullité du licenciement. Prononcé dans de telles conditions, il serait attentatoire à la liberté d’expression ✍.
Ainsi, l’arrêt énonce : 👉 “En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.”
En constatant que la procédure de licenciement était concomitante à l’alerte lancée par le salarié et à la saisine de la compagnie régionale des commissaires aux comptes, les juges ont relevé que le salarié avait effectivement été licencié pour avoir lancé l’alerte 🗣, donc pour avoir dénoncé des faits de nature à caractériser une infraction, faits dont il avait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Depuis l’arrêt de la chambre sociale en date du 28 avril 1988 (affaire Clavaud, n°87-41804), la Cour de cassation protège la liberté d’expression du salarié hors et dans l’entreprise 🙌. Les restrictions apportées à cette liberté doivent être proportionnées et justifiées, et seul l’abus de ce droit fondamental est de nature à priver le salarié d’une telle protection.
L’exercice abusif d’un tel droit serait retenu en cas de propos injurieux ou diffamatoires 🤬. Ce comportement justifierait le licenciement disciplinaire. C’est donc le contexte dans lequel la liberté d’expression est utilisée qui est recherché par les juges.
En ce sens, la solution retenue le 19 janvier 2022 s’inscrit dans la logique protectrice de la Cour de cassation. La jurisprudence confirmant la nullité d’un licenciement en cas de dénonciation d’infractions est déjà établie (Cour de cassation, chambre sociale, 7 juillet 2021, n°19-25-754). Toutefois, elle est désormais étendue à un champ plus large que les infractions pénales telles que les délits et les crimes. Désormais, la protection de la liberté d’expression du salarié, concerne aussi les obligations déontologiques. Dénoncer un manquement à de telles obligations permet de bénéficier de la protection accordée au lanceur d’alerte 🗣 et rend impossible toute mesure de sanction envers le salarié de bonne foi.