Vous pouvez décider de licencier un salarié pour faute grave. Mais la gravité n’est reconnue que s’il y a de la réactivité dans la procédure disciplinaire. Mais quel est le délai limite pour agir en pratique ? Eléments de réponse avec des décisions récentes.
On qualifie la faute grave comme une faute d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Une interruption immédiate du contrat de travail est nécessaire, ce qui explique que le salarié n’effectue pas de préavis.
Elle se distingue :
Bon à savoir : Sauf dispositions plus favorables, le salarié licencié pour faute grave ne touche ni indemnité compensatrice de préavis ni indemnité de licenciement. Il a par contre droit à une indemnité au titre des congés payés non pris et aura droit à l’Assurance chômage s’il remplit les conditions requises.
C’est à vous d’évaluer la gravité de la faute en fonction des faits, des circonstances qui l'entourent, du salarié qui l’a commise (ancienneté, antécédents…).
Attention, si vous décidez qu’il y bien faute grave, il vous faudra agir rapidement.
Lorsqu’un employeur décide d’infliger une sanction disciplinaire à un salarié, il dispose en principe d’un délai de 2 mois pour engager la procédure à compter du jour où il a connaissance des faits. L'engagement étant marqué par la convocation du salarié à l’entretien préalable.
Ce délai vous est utile pour prendre un temps de réflexion.
Mais en pratique c’est tout simplement impossible de prendre son temps en cas de faute grave.
En effet, par sa définition même, la faute grave implique que le salarié ne peut pas rester dans l’entreprise même temporairement.
Difficile dès lors de la justifier si vous avez gardé le salarié plusieurs semaines sans agir.
La Cour de cassation est venue récemment confirmer que la mise en oeuvre du licenciement pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
Bon à savoir : Il y a une exception à l’application de ce délai restreint : lorsque le salarié est absent de l’entreprise et son contrat suspendu (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872). Et bien sûr si une enquête est nécessaire pour découvrir les faits cela repousse le point de départ.
Comment définir ce délai restreint ?
Autant vous prévenir d’entrée, il n’y a pas de règle précise, tout va dépendre du choix des juges qui vont tenir compte des faits, du contexte.
Plus récemment, il y a eu deux nouvelles affaires.
Dans la première, la cour d’appel avait jugé que le délai restreint n’avait pas été respecté car 4 semaines s’étaient écoulées entre la découverte des faits et la notification du licenciement. Mais c’était oublier un détail important : le salarié avait bien été convoqué rapidement et il avait été mis à pied à titre conservatoire dans les 8 jours ouvrables (par ouvrable on entend tous les jours de la semaine sauf dimanche et jours fériés). Il était donc absent de l’entreprise même si le licenciement a pris du temps. L’employeur n’avait donc pas commis d’erreur.
Dans le seconde affaire par contre, datant du 20 mars 2024, l’employeur n’a pas respecté le délai restreint. Il s’agissait d’un salarié ayant eu un accident litigieux le 1er mars en conduisant un chariot-élévateur. Il avait toutefois continué à conduire. Les poursuites ont été engagées le 26 mars soit 25 jours après. Les juges ont relevé que l’employeur avait eu connaissance des faits le jour de l'accident, soit le 1er mars, et qu'aucune circonstance particulière ne justifiait le délai compris entre la révélation des faits et la convocation du salarié à l'entretien préalable.
Cela enlevait donc tout caractère de gravité à la faute.
Il est donc indispensable aux employeurs de réagir vite en présence de faits graves. Notre conseil : ne jamais laisser s’écouler plus de 10-15 jours pour éviter ce problème de délai restreint.
Toujours pour justifier le recours à la faute grave, il est conseillé de procéder systématiquement à une mise à pied conservatoire même si cela n’est pas imposé par les juges (Cass. soc., 9 février 2022, n° 20-17.140).
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