Grossesse : faut-il informer rapidement l’employeur ?

Article Rédigé par anne-lise Castell
Publié le 14 novembre 2024

Pas d’obligation d’information de sa grossesse à son employeur dans le Code du travail

Il n’existe pas dans le Code du travail d’obligation d’information de l’employeur de son état de grossesse.

On peut donc imaginer attendre le départ en congé de maternité qui débute en principe 6 semaines avant l’accouchement.

Néanmoins, tant qu’on ne révèle pas sa grossesse à son employeur, on ne bénéficie pas de mesures protectrices comme :

  • le droit de se rendre à des examens médicaux (C. trav., art. L. 1225-16) ;
  • les avantages éventuellement prévus par un accord collectif comme une réduction du temps de travail ;
  • ou encore la protection contre le licenciement.

Dans la pratique, la plupart des salariés font l’annonce de leur grossesse à la fin du 3e mois de grossesse, une fois la première échographie faite, en même temps que la déclaration de grossesse.

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Même si on ne souhaite pas informer son employeur trop tôt, il peut être intéressant d’en informer le médecin du travail, qui peut donner des conseils à la salariée pour protéger sa santé et sa sécurité et améliorer ses conditions de travail. Celui-ci étant tenu au secret professionnel, il ne donnera aucune information à l’employeur sur la grossesse.

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Mais vigilance en cas de travail dangereux ou interdit pour la femme enceinte

Certains travaux sont interdits aux femmes enceintes. Il s’agit notamment des travaux exposant à des risques chimiques, biologiques et physiques spécifiquement définis comme par exemple :

  • ceux exposant à des agents chimiques classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ;
  • ceux exposant à du benzène.

L’employeur a d’ailleurs une obligation d’information des femmes sur les effets potentiellement néfastes de l'exposition à certaines substances chimiques sur la fertilité, l'embryon, le fœtus où l'enfant.

Et dès que l’employeur a connaissance de la grossesse, il va devoir aménager le poste de travail, en prenant en considération les conclusions écrites du médecin du travail.

Important : A défaut d’aménagement possible, la salariée doit être affectée à un autre poste de travail compatible avec son état, sans que sa rémunération puisse être baissée. S’il est impossible de proposer un autre emploi à la salariée, l’employeur lui fait connaître par écrit, ainsi qu'au médecin du travail, les motifs qui s'opposent à cette affectation temporaire. Le contrat de travail de la salariée est alors suspendu jusqu'à la date du début du congé de maternité et au maximum jusqu’au mois qui suit l’accouchement. La salariée bénéficie d'une garantie de rémunération pendant la suspension du contrat de travail, composée de l'allocation journalière de la Sécurité sociale et d'une indemnité complémentaire à la charge de l'employeur.

Dans une telle situation, il apparaît donc nécessaire que la salariée ne tarde pas à annoncer sa grossesse pour que ces mesures protectrices puissent être mises en oeuvre. Mais si elle décide de ne pas le faire, cela constitue-t-il pour autant une faute grave ?

Rappel : Une femme enceinte ne peut jamais être licenciée sauf en cas de faute grave ou si l'employeur est dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maternité. Et uniquement pendant la période de protection dite relative (voir notre article dédié à ce sujet).

Une cour d’appel vient de juger que ne rien dire à son employeur sur son état de grossesse pendant plusieurs mois constituait bel et bien une faute.

Dans cette affaire, 

  • la salariée avait déjà été enceinte et avait déjà annoncé tardivement sa grossesse . La médecine du travail avait adressé à l’employeur plusieurs courriers pour l’alerter sur le caractère tout à fait urgent de la mise en place de mesures visant à protéger la salariée et adapter son poste pour mettre immédiatement fin à toute manipulation en lien avec des produits toxiques ou dangereux ;
  • la salariée disposait aussi de connaissances spécifiques sur les risques professionnels et les produits en question et avait établi le document unique de l’entreprise.

L’employeur a donc considéré qu’il avait volontairement été empêché d'adapter le poste et protéger la salariée.

La cour d’appel le suit et relève que le refus d'informer son employeur de son état de grossesse, lui interdisait de fait de prendre les dispositions nécessaires à sa protection, protection d'autant plus nécessaire que la salariée exerçait dans le secteur de la chimie et sait se trouver dans la situation d'être exposée à des produits strictement contre-indiqués à son état.

La cour considère qu'elle s'est exposée à un risque pour sa santé pouvant impliquer la responsabilité civile voire pénale de son employeur. Ce qui constitue bien une faute. L’obligation de loyauté peut être mise en jeu.

Notez que d’autres griefs étaient aussi reprochés dans l’affaire en question justifiant ainsi une faute grave.

Reste à savoir si la Cour de cassation sera du même avis si l’affaire remonte devant elle.

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Références
  • Cour d’appel de Dijon, chambre sociale, 24 octobre 2024, pourvoi n° 22/00693
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