Le débat relatif à la transposition de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des lanceurs d’alerte à l’échelle européenne, débutera en milieu de semaine et courra jusqu’au 17 décembre 2021, date limite pour la transposition en droit national par les États membres de l’Union Européenne. Le débat au sein de L’Assemblée nationale concernera deux propositions de loi (la loi organique nº4375 visant à renforcer le rôle du défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, et la loi nº4398 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte) et rénovera le cadre issu de la loi Sapin II.
Une transposition de directive est le fait pour un État membre de l’Union européenne d’adopter dans son droit national, les actes pris par les institutions de l'Union européenne. Cela permet ainsi d’éviter les conflits qui pourraient exister en cas d’absence de conformité du droit national à la législation européenne.
Un lanceur d'alerte est une personne, employée ou collaborant dans un cadre professionnel, qui révèle ou signale des faits, passés, actuels ou à venir, de nature à violer un cadre légal ou réglementaire, ou menaçant le bien commun ou l’intérêt général.
Le Conseil de l'Europe définit l’alerte, whistleblowing en anglais, comme : “La révélation d’informations sur des activités qui constituent une menace ou un préjudice pour l’intérêt général.”
Ainsi, les lanceurs d’alerte peuvent révéler des informations sur des activités dès lors que ces dernières constituent une menace ou un préjudice pour l’intérêt général : l'alerte est lancée afin de mettre fin à ces activités ou bien afin de prendre des mesures palliatives. Ces derniers peuvent alors signaler cette alerte dans un premier temps à leur supérieur hiérarchique ou référent, puis, contacter les organes réglementaires, les organes de contrôle, ou bien les autorités de répression compétentes. Enfin, pour les cas les plus graves, il est également possible de rendre public ces actes répréhensibles.
Les alertes les plus récurrentes concernent notamment :
La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation économique, avait préalablement instauré un dispositif général pour les lanceurs d’alerte en créant notamment un statut qui leur ait propre ainsi qu’un régime protecteur.
Dès lors, ce régime prévoyait déjà plusieurs dispositions protectrice telles que :
Cette protection s’est vu renforcée avec l'adoption par le Parlement européen de la directive (UE) 2019/1937, qui vise à garantir une protection accrue de ces lanceurs d'alerte au sein de l'ensemble des États membres de l'Union européenne.
En 2019, l’Union européenne a adopté la directive (UE) 2019/1937, imposant une protection plus renforcée que celle du droit français, mais limitée aux compétences de l’Union. Le droit européen est en effet plus dense et détaillé que la loi Sapin II.
En transposant cette directive, la France a la possibilité de généraliser les dispositions européennes dans le statut général des lanceurs d’alerte, même si l’alerte ne rentre pas dans le champ des compétences de l’Union.
C’est bien cette position que les parlementaires souhaitent adopter et Sylvain Waserman, vice-président de l’Assemblée, annonce “une transposition ambitieuse” de la directive afin de mettre en œuvre des dispositions plus incitatives à l’alerte.
En effet, le nouveau texte va fortifier la protection des lanceurs d'alerte en supprimant dans un premier temps le critère de gravité auparavant attaché aux informations divulguées. De plus, la nécessité pour le lanceur d’alerte d’avoir eu personnellement connaissance de ces informations est également supprimée, sauf pour le cas particulier où ces informations n’ont pas été obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles.
De nouvelles situations concernant les représailles à l’encontre des lanceurs d’alerte sont intégrées. En effet, au delà des situations auparavant prévu par le droit français (licenciement, sanction..), ces derniers seront désormais protégés contre tout préjudice tels que :
Les bénéficiaires de la protection sont également élargis : les facilitateurs aidant un lanceur d’alerte et des groupements tels que les syndicats et les ONG seront également couverts.
Une importante évolution est apportée concernant les canaux de signalement internes et externes. En effet, le droit français privilégiait l’alerte interne, c’est-à-dire un signalement directement auprès du supérieur hiérarchique ou de son référent, avant toute alerte externe, c’est-à-dire un signalement auprès des autorités compétentes et une divulgation publique. Le nouveau texte efface les frontières entre ces différents canaux, les lanceurs d’alerte pourront désormais signaler leurs informations au canal de leur choix.
De même, les cas parmi lesquels une divulgation publique est envisageable ont été également élargis. Désormais la divulgations d'actes répréhensibles est possible en cas :
Conformément à la directive, le secret-défense, le secret médical, le secret de l’enquête et de l’instruction et le secret professionnel de l’avocat sont exclus du régime de l’alerte.
Le lanceur d’alerte bénéficiera toujours d’une irresponsabilité civile et pénale concernant le délit de divulgation du secret.
En ce qui concerne la répression des représailles et des procédures bâillon, les personnes auteurs de représailles à l’encontre d’un lanceur d’alerte s’exposent désormais à une amende civile allant jusqu’à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts (ou 60 000 €). De plus, elles s’exposent également à une sanction pour la commission du délit pénal de représailles, allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Le lanceur d’alerte pourra alors demander au juge de lui allouer une provision pour frais de l’instance. Concernant les agents publics, une procédure déclinée en droit administratif est alors prévue.
Enfin, en ce qui concerne le rôle du Défenseur des droits, les autorités responsables d’un canal de signalement externe pourront désormais mettre en place des mesures de soutien psychologique et financières à l’égard des lanceurs d’alerte. Il est également prévu que le Défenseur des droits puisse être saisi par toute personne afin de rendre un avis sur sa qualité de lanceur d’alerte. Ce dernier sera alors en mesure d’orienter et de traiter les signalements et devra réaliser un rapport annuel sur la protection des lanceurs d’alerte en France.
À noter : parmi les 27 États membres de l’Union Européenne, seul le Danemark a achevé la transposition de la directive, en adoptant une nouvelle loi de protection des lanceurs d’alerte le 24 juin 2021.