Durant ce confinement : plutôt télé ? Plutôt travail ? Ou bien télétravail… ?
Si certains employeurs ont une approche managériale basée sur la confiance, il en est d’autres qui s’inquiètent à imaginer leurs salariés devant la télé-sans-travail…
Depuis le 16 Mars 2020, environ 5 millions de salariés sont en télétravail en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, d’après une enquête des Echos en date du 17 Avril 2020.
Cette crise sanitaire a justifié le placement de nombreux salariés en télétravail sans aucun formalisme.
Il est temps d’envisager un nouveau monde du travail dématérialisé et à domicile, condition impérative fondant l’espoir d’un déconfinement progressif mais définitif...
Tour d’horizon sur le cadre légal du télétravail et les risques liés à son prolongement après le déconfinement.
Étude des points sur lesquels il faudra être vigilant après la crise…
Le télétravail est défini par l’article L. 1222-9 du Code du travail.
Il s’agit de « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».
Le télétravail peut être mis en place dans le cadre :
En principe, d’après l’article L 1222-9 du code du travail, le télétravail doit faire l’objet d’un accord entre le salarié et son employeur.
Cependant, des exceptions sont prévues à ce principe, et notamment « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. », d’après l’article L 1222-11 du même code.
En l’espèce, depuis le 16 Mars 2020, le Gouvernement a posé une obligation de télétravail dès lors que le poste de travail le permet.
On a pu penser que cette obligation serait limitée aux mesures de confinement imposées jusqu’au 11 Mai 2020.
Cependant, le Premier Ministre a annoncé le 19 Avril 2020 que le télétravail devrait être maintenu dans toute la mesure du possible après le déconfinement.
Mais alors…comment régulariser cette situation sur le long terme ?
Après l’urgence de l’apparition de l’épidémie, l’heure de la régularisation de la mise en œuvre du télétravail a sonné.
Plusieurs situations doivent être distinguées :
Dans ce cas-là, il faudra insérer un avenant à l’accord collectif, définissant les modalités de mise en œuvre du télétravail.
En effet, il faudra certainement élargir le nombre de fonctions éligibles au télétravail ainsi que celui des jours concernés par le télétravail. Le CSE devra être informé et consulté dans la rédaction de cet avenant.
De la même manière, l’entreprise devra modifier cette Charte et soumettre ces modifications à la consultation et à l’avis du CSE.
Dans la mesure où la rapidité de la mise en œuvre de la régularisation est à privilégier, il pourra être opportun d’établir une Charte télétravail pour l’entreprise.
Le recours au télétravail ne pourra plus se dispenser de formalité. Il est temps de protéger salariés comme employeurs de tout abus lié à cette situation inédite ; d’autant plus que de nombreux risques existent déjà au prolongement indéfini du télétravail en France…
On ne peut le nier, le télétravail a bousculé la vie de l’ensemble des français depuis le 16 Mars 2020.
Si certains se sont très bien adaptés à ce rythme de travail et se sont ainsi découvert une plus grande productivité à travailler chez eux, il est important de rester vigilant en ce qui concerne les dérives d’un tel exercice de l’activité professionnelle.
Les salariés doivent garder à l’esprit qu’ils disposent de nombreux droits dans le cadre de leur activité, télétravaillée ou pas.
Le droit au repos quotidien et hebdomadaire – la surcharge de travail
En télétravail, il est primordial que les salariés continuent à bénéficier d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives, d’après l’article L 3131-1 du code du travail.
Cependant, il est parfois compliqué pour certains employeurs de se rendre compte de la charge de travail imposée et de la durée de réalisation de certaines tâches.
Pourtant, la charge de travail à domicile doit correspondre au volume de travail effectué lorsque le salarié travaille dans les locaux de la société, d’après l’article 9 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail.
Le télétravail ne doit pas avoir pour effet d’augmenter la charge de travail habituelle du salarié.
Il peut donc être opportun pour l’employeur de mettre en place un système fiable de décompte des heures de travail pour s’assurer que toutes les heures sont bien effectuées et ainsi laisser au salarié la gestion de ses tâches, sans toutefois basculer vers une surveillance excessive des salariés…
La surveillance excessive des salariés
Quels que soient la technologie et les outils utilisés pour surveiller les salariés dans leur activité professionnelle, les employeurs se doivent de respecter le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) ainsi que la loi Informatique et Libertés.
De plus, de nombreuses dispositions du Code du travail protègent le salarié en ce qui concerne son droit à la vie privée.
Ainsi, le principe de minimisation des données doit être respecté et seules les données nécessaires à une finalité prédéfinie peuvent être collectées.
Le salarié doit être informé personnellement de l’évolution des pratiques de l’entreprise ainsi que des nouveaux traitements de données mis en place, d’après les articles 13 et 14 du RGPD.
Par ailleurs, le Comité Social et Économique joue un rôle important dans le contrôle du traitement automatisé de gestion du personnel et dans la mise en place des moyens et techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés, d’après l’article L 2312-38 et L 2312-8 du code du travail. En effet, ce dernier doit être informé et consulté préalablement à la prise de décision sur ces points.
Il faut se rassurer : la CNIL surveille, elle aussi, non pas les salariés dans leur travail mais le respect par les employeurs du RGPD et de la Loi Informatique et Libertés !
Le droit à la déconnexion
Le droit à la déconnexion du salarié est encore plus important dans le cadre du télétravail.
En effet, la loi n°2016-1088 du 8 Août 2016 a instauré un tel droit pour permettre au salarié de concilier vie privée et vie professionnelle et de les différencier de manière claire.
Le salarié a le droit de ne pas se connecter aux outils numériques en dehors de son temps de travail. Il a également le droit de ne pas être contacté par son employeur durant ce temps-là.
En pratique, il s’agit surtout du droit du salarié de ne pas répondre aux sollicitations professionnelles de son employeur en dehors de son temps de travail.
Le harcèlement au travail
L’article L1152-1 du Code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dans le cadre du télétravail, il faut noter que la surveillance excessive des faits et gestes du salarié et la vérification de chacun de ses travaux ont pu être considérées par la jurisprudence comme constitutives de faits de harcèlement moral.
L’organisation de réunions virtuelles à outrance ou l’obligation inhabituelle d’établir un rapport d’activité de façon démesurée ont également pu constituer des faits de harcèlement moral dans le cadre du télétravail.
À l'heure où le Ministre du travail allemand souhaite proposer un projet de loi visant à ériger le télétravail en droit pour tous, il faudra donc, en France, savoir évaluer si les bienfaits d’une telle pratique sont aujourd’hui plus importants que les risques liés à celle-ci, dans un contexte indépendant de toute urgence sanitaire…