Tout savoir sur la faute inexcusable et la mise en jeu de l’obligation de sécurité

Publié le 27 septembre 2024

Dans le monde du travail, la sécurité des salariés est primordiale. 

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses employés. 

Lorsque cette obligation n'est pas respectée, et qu'un accident du travail survient, la notion de "faute inexcusable" peut être invoquée. 

Cette fiche vous permettra de comprendre les enjeux de cette notion juridique, et l’intérêt que peuvent avoir les salariés à faire reconnaître une faute inexcusable ou un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

Qu’est-ce que la faute inexcusable ?

En principe, toute personne victime d’un dommage créé par une faute commise par une personne avec qui elle est liée contractuellement ou non, peut demander réparation du préjudice qu’elle a subi. 

Le droit à indemnisation résulte, généralement, de la mise en œuvre de la responsabilité civile de droit commun (C. Civ., art. 1231-1 et s. ; art. 1241 et s.). 

Néanmoins, un travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne peut pas engager une action à l’encontre de son employeur sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun. 

En effet, pour un travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, les règles sont différentes. L’indemnisation à laquelle il peut prétendre est forfaitaire, fixée selon les règles du Code de la sécurité sociale. 

L’article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale prévoit expressément qu'aucune action en réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit, sauf exceptions. 

La réparation à laquelle peut prétendre le travailleur est composé : 

  • de prestations en nature ; 
  • d’indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) ; 
  • d’une rente en cas d’incapacité permanente. 

Pourtant, dans certains cas, le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle recouvre son droit d’agir à l’encontre de l’employeur pour obtenir une indemnisation complémentaire. 

C’est le cas, notamment, lorsque l’employeur a commis une faute inexcusable. 

En effet, l’article L. 451-2 du Code de la sécurité sociale dispose que “lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants”. 

Bon à savoir : Un travailleur ne peut pas renoncer à l’action en reconnaissance de faute inexcusable. En revanche, si l’action en reconnaissance de faute inexcusable a abouti, il pourra conclure avec son employeur un protocole d’accord transactionnel pour fixer le montant de l’indemnisation que devra lui verser l’employeur.

Qui doit prouver la faute inexcusable ?

La présomption de faute inexcusable

Il existe deux cas dans lesquels la faute inexcusable de l’employeur est présumée.

Le premier cas de présomption de faute inexcusable

Le premier cas est celui dans lequel un salarié sous contrat à durée déterminée, un salarié d'entreprise de travail temporaire, ou un stagiaire a été victime d’un accident du travail alors qu’il n'a pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité qui lui est due, et qu'il est affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité. Cette présomption est prévue à l’article L. 4154-3 du Code du travail. La présomption ne joue pas lorsque le travailleur effectue des tâches non dangereuses. En revanche, la présomption joue lorsque la cause exacte de l'accident est inconnue (Cass. soc., 4 avril 1996, n° 94-11.319) ou lorsque le salarié a fait preuve d'imprudence (Cass. civ., 2e, 1er juillet 2010, n° 09-66.300).Il s’agit d’une présomption simple. Cela signifie qu’elle peut être renversée par l’employeur. Néanmoins, le seul moyen pour l’employeur de renverser la présomption est de démontrer que le travailleur a bien reçu la formation renforcée à la sécurité (Cass. civ. 2, 11 octobre 2018, n° 17-23.694). 

Le second cas de présomption de faute inexcusable 

Il s’agit du cas dans lequel un travailleur est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors que le risque à l’origine de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle avait été signalé à l’employeur par le travailleur ou par un élu du CSE. 

C’est pourquoi il est crucial, pour les élus du CSE, de veiller à ce que le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) soit à jour et répertorie l’intégralité des risques professionnels présents dans l’entreprise ou l'établissement. 

De la même manière, il est primordial que les élus du CSE usent de leur droit d’alerte en cas de danger grave et imminent menaçant la vie ou la santé d’un ou plusieurs salarié(s), réalisent les inspections périodiques en matière de santé, sécurité et conditions de travail, utilisent l’intégralité de leurs heures de délégation pour, notamment, enquêter, visiter les locaux de l’entreprise et, le cas échéant, de ses différents établissements, et abordent lors de leurs réunions obligatoires en matière de santé, sécurité et conditions de travail, l’ensemble des sujets et éventuellement des réclamations faites par des salariés.

La présomption de faute inexcusable en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle lorsque le risque à l’origine de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle a été signalé à l’employeur par le travailleur ou par un élu du CSE est prévue par l’article L. 4131-4 du Code du travail. La présomption joue, que le salarié se soit trouvé dans une situation de danger grave et imminent (l’article L. 4131-4 du Code du travail se situe sous un titre “DROITS D'ALERTE ET DE RETRAIT”) ou non (Cass. soc., 17 juillet 1998, n° 96-20.988).

Il s’agit d’une présomption irréfragable. Cela signifie qu’elle ne peut pas être renversée par l’employeur.

La charge de la preuve de la faute inexcusable

Hormis les deux cas qui viennent d’être évoqués, la faute inexcusable ne se présume pas et doit être prouvée. Il appartient au salarié qui se prévaut d’une faute inexcusable de l’employeur de la prouver. Les juges apprécient souverainement les éléments de preuve versés aux débats par le travailleur (Cass. civ., 2e, 9 mars 2017, n° 16-11.761).

Bon à savoir : En principe, les preuves versées aux débats doivent être loyales. Cela signifie qu’elle doit être obtenue légalement, sans violation des droits et libertés fondamentales d’autrui, et sans user de moyens frauduleux. Néanmoins, les juges admettent désormais, en vertu du droit à la preuve, que des preuves a priori déloyales soient versées aux débats. Pour cela, il faut que la production de la preuve litigieuse soit nécessaire à l’exercice du droit à la preuve (c’est le seul moyen possible, pour la partie qui la verse aux débats, de prouver ses dires), et que l’atteinte aux droits de l’autre partie soit proportionnée au but poursuivi (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 ; Cass. civ., 2e, 6 juin 2024, n° 22-11.736).

Comment prouver la faute inexcusable ?

Il est possible de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur sur le fondement de l’obligation générale de sécurité, obligation qui pèse sur l’employeur, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. 

Bon à savoir : Un travailleur victime d’un accident de trajet ne peut jamais engager la responsabilité de son employeur sur le fondement de la faute inexcusable. Néanmoins, il peut demander à son employeur le réparation de la part du préjudice non couverte par la Sécurité sociale si l’accident est causé par l'employeur ou ses préposés ou, plus généralement, par une personne appartenant à la même entreprise que la victime (CSS, art. L. 455-1) ou si l’accident survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime (CSS, art. L. 455-1-1). 

Néanmoins, pour que le manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité soit une faute inexcusable, il faut que ces conditions soient remplies : 

  • l’employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel était exposé le salarié ; 
  • l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger.

La conscience du danger auquel était exposé le salarié

S’agissant de la condition tenant à la conscience du danger auquel était exposé le salarié, les juges prennent en compte l’expérience professionnelle de l’employeur, les circonstances de l’accident ou de la maladie professionnelle, la ou les formation(s) reçues, de la réglementation, des habitudes et usages de la profession, et de l'évidence du danger.

Ont été considérés comme une faute inexcusable : 

  • le fait de placer un salarié à un poste sans le former ni l’accompagner, sans s’assurer qu’il disposait des compétences requises, et sans tenir compte des préconisations du médecin du travail (Cass. civ., 2e, 19 septembre 2013, n° 12-22.156) ;
  • le fait de faire lever une charge de 1300 kilogrammes à une machine capable de n’en lever que 750 (Cass. soc., 12 mars 1980, n° 79-10.835) ;
  • le fait de laisser son personnel subir des agressions physiques alors que la recrudescence d'actes violents était évoquée depuis plusieurs années (Cass. civ., 2e, 29 février 2024, n° 22-18.868) ; 
  • le fait de provoquer le suicide d’un salarié, lorsque celui-ci a rencontré de graves difficultés pour assurer des fonctions pour lesquelles il n'avait pas les connaissances requises et sur lesquelles il n'avait pas été formé, alors qu'il avait à plusieurs reprises sollicité de l'aide auprès de sa hiérarchie (Cass. civ., 2e, 19 septembre 2013, n°12-22.156).

En revanche, n’ont pas été considérés comme faute inexcusable : 

  • le fait d’avoir laissé les ouvriers réaliser une technique fiable qu’ils maîtrisaient (Cass. civ., 2e, 10 juin 2003, n° 01-21.200) ; 
  • le fait glisser sur une plaque de verglas sur le parking de l’entreprise (Cass. civ., 2e, 25 janvier 2018, n° 16-26.384) ; 
  • le fait de remettre à un salarié une lettre de convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire en l'absence de démonstration d'un comportement humiliant, violent ou vexatoire de l'employeur et d'éléments laissant apparaître la fragilité psychologique du salarié (Cass. civ., 2e, 31 mai 2012, n° 11-18.614) ; 

L’absence de mesure pour préserver le salarié du danger

S’agissant de la condition tenant à l’absence de prise de mesures pour préserver la santé du salarié, il s’agit de vérifier que l’employeur ait bien pris toutes les mesures, obligatoires ou non, pour prévenir ou faire cesser le risque auquel était exposé le salarié, et qui est survenu.

Par ailleurs, un employeur peut être considéré comme n’ayant pas pris de mesures, lorsque les mesures sont inefficaces (Cass. civ., 2e, 8 octobre 2020, n° 18-26.677).

Quelle est la procédure pour faire reconnaître la faute inexcusable ?

La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable peut être engagée par : 

  • la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle ; 
  • la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), la mutualité sociale agricole (MSA), ou la branche maladie (ou le guichet unique) du régime auquel est affilié le travailleur.
Bon à savoir : Un travailleur ne peut renoncer, par avance, à se prévaloir de l’action en reconnaissance de faute inexcusable. Toute clause ou convention contraire serait nulle. 

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable doit être intentée dans un délai de 2 ans qui court à compter (CSS, art. L. 431-2), au choix : 

  • du jour de l’accident ;
  • du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), c’est-à-dire, en cas de maladie professionnelle, du jour de la consolidation de l’état de santé du travailleur. 

Lorsque le versement des IJSS a été fait successivement au titre de l'accident du travail puis au titre de l'assurance maladie, c'est la date de cessation du versement des indemnités journalières dues au titre des risques professionnels qui fait courir le délai de la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable (Cass. civ., 2e, 9 juillet 2009, n° 08-15.481) ; 

  • de la date de la première constatation de la maladie professionnelle ;
  • du jour de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie (Cass. civ., 2e, 3 avril 2003, n° 01-20.872 ; 14 mars 2007, n° 05-21.304). 

Dans ce dernier cas, il importe peu que la Sécurité sociale ait pris du temps à instruire la demande du travailleur (Cass. civ., 2e, 11 octobre 2005, n° 04-30.360). Par ailleurs, la rechute de l’état de santé du travailleur ne fait pas courir un nouveau délai de 2 ans (Cass. civ., 2e, 29 juin 2004, n° 03-10.789 ; Cass. soc., 21 janvier 2010, n° 09- 10.944) ;

  • du jour du décès de la victime ;
  • de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières ;

Lorsqu’un travailleur agit dans les délais, son action interrompt le délai de prescription à l’encontre de ses anciens employeurs pour le même fait dommageable.

En cours de procédure, le travailleur et l’employeur peuvent toujours se concilier. 

Cette possibilité de conciliation est prévue à l’article L. 452-4 du Code de la sécurité sociale (“A défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3 (...)”).

Bon à savoir : L’engagement d’une procédure de conciliation suspend la prescription. Cela signifie que le délai ne recommencera à courir qu’une fois la conciliation terminée. Lorsqu’un délai est suspendu, il recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à 6 mois. Par exemple, si le délai de prescription a été suspendu à 1 an et 8 mois, il recommencera à courir, au terme de la procédure de conciliation, pour une durée de 6 mois. Cela signifie que le travailleur disposera de 2 ans et 2 mois pour agir (outre la durée de la procédure de conciliation).  

À l'issue de la tentative de conciliation, la Sécurité sociale rédige un procès-verbal, lequel constate : 

  • qu'aucune partie ne s'est déplacée (un procès-verbal de carence doit alors être rédigé) ;
  • que les parties ne se sont pas conciliées ; 
  • que les parties se sont partiellement ou entièrement conciliées. 

Néanmoins, le travailleur n’est pas tenu de passer par cette procédure de conciliation. Il peut opter pour la voie contentieuse et saisir directement le pôle social du tribunal judiciaire, sans passer par la conciliation (CSS, art. L. 451-1). 

Dès lors, le pôle social du tribunal judiciaire peut être saisi : 

  • si le travailleur victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle ou ses ayants-droit optent pour la voie contentieuse ;
  • si le travailleur victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle ou ses ayants-droit n’est / ne sont pas parvenus à trouver un accord avec l’employeur au terme de la procédure de conciliation.

La Sécurité sociale peut également prendre l’initiative de saisir le pôle social du tribunal judiciaire. 

Que l’initiative soit prise par le travailleur ou la Sécurité sociale, toutes les parties doivent être attraites en l’instance, afin que le jugement à intervenir leur soit rendu commun. En effet, le litige concerne nécessairement les trois parties : la Sécurité sociale, l’employeur et le travailleur. Si la faute inexcusable de l’employeur est retenue, la Sécurité sociale verse le complément de rente et d’indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) au travailleur, puis se retourne contre l’employeur pour en obtenir le remboursement (CSS, art. L. 452-2 et L. 452-3). La Sécurité sociale dispose d’un délai de 5 ans (et non 2) pour se retourner contre l’employeur (Cass. civ., 2e, 10 novembre 2021, n° 20-15.732). 

L’instance se déroule en plusieurs étapes. 

Lors de la première audience, le tribunal va statuer sur l’existence ou non d’une faute inexcusable de l’employeur. Si celle-ci est reconnue, le travailleur victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle va solliciter auprès du pôle social du tribunal judiciaire la désignation d’un expert judiciaire pour évaluer son préjudice. 

Bon à savoir : Pour assurer sa défense, l’employeur peut contester, lors de l’instance, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, alors même qu’il n’a pas contesté la décision de prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de la Sécurité sociale (Cass. civ., 2e, 5 novembre 2015, n° 13-28.373). Par ailleurs, s’il s’avère que le travailleur a été exposé au même risque professionnel chez plusieurs employeurs successifs, l’employeur visé par l’action en reconnaissance de la faute inexcusable par le travailleur peut attraire en l’instance les autres employeurs, afin qu’ils garantissent la condamnation à venir. 

Lors de la seconde audience, le pôle social du tribunal judiciaire statuera sur la liquidation du préjudice (la fixation du montant de dommages-intérêts que devra verser l’employeur au travailleur). 

Quelles sont les conséquences de la reconnaissance d’une faute inexcusable ?

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur peut entraîner de nombreuses conséquences pour le travailleur victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, si la faute inexcusable de l’employeur est retenue par le pôle social du tribunal judiciaire. 

La majoration de la rente 

L’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale dispose que : “Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants”.

Par ailleurs, l’article L. 452-2 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale dispose que : “Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Ainsi, lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle a droit à une majoration maximale de l’éventuelle rente qui lui est servie par la Sécurité sociale en cas d’invalidité permanente (Cass. soc., 6 février 2003, n° 01-20.004 ; Cass. civ., 2e, 23 novembre 2006, n°05-13.426).

Ce n’est que si le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle a commis une faute inexcusable, autrement dit une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité l’exposant, sans raison valable, à un danger dont il aurait dû avoir connaissance, qu’il n’a pas droit à une majoration de rente (Cass. civ., 2e, 27 janvier 2004, n° 02-30.693).

Par ailleurs, non seulement le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourrait perdre son droit à majoration, mais il pourrait également voire sa rente diminuer (CSS, art. L. 453-1 al. 2 : “Lors de la fixation de la rente, le conseil d'administration de la caisse ou le comité ayant reçu délégation à cet effet peut, s'il estime que l'accident est dû à une faute inexcusable de la victime, diminuer la rente prévue au titre III du présent livre, sauf recours du bénéficiaire devant la juridiction compétente”).

A ce titre, il a été jugé que ne constituent pas des fautes inexcusables du salarié : 

  • le fait de rouler à 100 km/heure sans porter sa ceinture de sécurité (Cass. civ., 2e, 16 octobre 2008, n° 07-16.053) ;
  • le fait de se rendre, de sa propre initiative, dans une zone dangereuse (Cass. civ., 2e, 27 janvier 2004, n° 02-30.693) ;
  • le fait d’apporter une aide spontanée à un autre ouvrier en difficulté alors que son état de santé déconseillait tout effort (Cass. soc., 30 novembre 1978, n° 77-12.864) ;
  • le fait de déplacer un échafaudage mobile sous une ligne électrique de moindre hauteur (Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038) ;
  • le fait d'enlever délibérément son casque de chantier (Cass. civ., 2e, 1er juillet 2010, n° 09-15.469). 

La majoration de la rente du travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle se calcule par rapport au taux d'incapacité réel de la victime. Si le taux d’incapacité réel évolue, la rente évolue en conséquence (Cass. civ., 2e, 15 février 2005, n° 03-30.595).

Par ailleurs, la rente est revalorisée chaque année (CSS, art. L. 452-2 al. 5 : “Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17” ; CSS, art. L. 434-17 : “Les rentes mentionnées à l'article L. 434-15 sont revalorisées au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25”), par rapport à l’indice des prix à la consommation hors tabac (CSS, art. L. 161-25). 

Bon à savoir : Si le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle souffre d’un taux d’incapacité égal à 100 %, il reçoit également une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimal pour le calcul des rentes (CSS, art. L. 452-3). 

La réparation des préjudices subis

La rente servie au travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’a pour objet que de compenser la perte de gains professionnels, autrement dit les salaires que le travailleur ne pourra plus percevoir du fait de son incapacité. 

Néanmoins, le travailleur peut avoir subi d’autres préjudices.

Dès lors, si le travailleur parvient à démontrer que l’employeur a commis une faute inexcusable, il pourra demander : 

  • des dommages-intérêts pour le déficit fonctionnel permanent (invalidité) ; 
  • des dommages-intérêts pour les souffrances physiques et morales endurées ; 
  • des dommages-intérêts pour le préjudice esthétique (séquelles physiques entraînant des difformités, un retentissement sur l’apparence physique) ; 
  • des dommages-intérêts pour le préjudice d’agrément (perte de la capacité d’effectuer certaines activités sportives, culturelles, de loisirs…) ; 
  • des dommages-intérêts pour la perte ou la diminution des possibilités d’évolution professionnelle ; 
  • des dommages-intérêts pour le préjudice sexuel ; 
  • des dommages-intérêts pour le préjudice d’anxiété ; 

En effet, si l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale dispose que “la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle”, la Cour de cassation, saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité, a estimé “qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte (l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale) ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale” (Cass., ass. plén., Décision nº 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ; 20 janv. 2023, 21-23.947 et 20-23.673). 

A savoir : Deux référentiels ont été rédigés par des professionnels du droit afin de répertorier les différents postes de préjudices indemnisables, et d’aider les victimes à les chiffrer. Il s’agit des référentiels Dintilhac et Mornet. Ces documents sont utiles (voire indispensables) pour toute action à l’encontre de l’employeur. 

En revanche, le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne peut pas demander réparation des chefs de préjudice dont la réparation est assurée, en tout ou partie, par les prestations servies au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale. Cela est le cas, notamment, pour les dépenses de santé (CSS, art. L. 431-1). 

Il appartient à la Sécurité sociale de faire l’avance, pour le compte de l’employeur, de l’ensemble des montants correspondant à la réparation des différents chefs de préjudice, qu’ils soient listés, ou non, à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, puis de se retourner contre l’employeur. Cela permet aux travailleurs victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle d’échapper à l'éventuelle insolvabilité de leur employeur (Cass. civ., 2e, 4 avril 2012, n° 11-14.311 et n° 11-12.299).

Le doublement des indemnités de licenciement en cas d’inaptitude 

Si le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est licencié pour inaptitude à la suite de cet accident ou de cette maladie, il a droit : 

  • au doublement de l’indemnité légale de licenciement (C. trav., art. L. 1226-14) ; 
  • À une indemnité compensatrice égale à l’indemnité compensatrice de préavis (C. trav., art. L. 1226-14).

La requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse 

S’il est avéré que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité envers le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le licenciement peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Le travailleur pourrait donc prétendre à toutes les indemnités y afférant. 

La réparation des préjudices des ayants-droits 

Les ayant-droits sont les personnes désignées aux articles L. 434-7 et suivants du Code de la sécurité sociale (Cass. ass. plén., 2 février 1990, n° 89-10.682). Il s’agit : 

  • du concubin ; 
  • du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ; 
  • du conjoint ; 
  • de l’ex-partenaire lié par un pacte civil de solidarité s’il recevait du travailleur une aide financière ;
  • de l’ex-conjoint s’il recevait du travailleur une pension alimentaire ;
  • du père et de la mère ; 
  • du tuteur ou de la personne ayant la garde de l’enfant ; 
  • de l’ascendant qui aurait pu recevoir du travailleur une pension alimentaire ;
  • de l’enfant. 

Outre leur propre préjudice moral, ces personnes peuvent également demander réparation du préjudice moral subi par le travailleur victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle qui n’a pas pu l’exercer pour son compte (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-11.794 ; Cass. civ., 2e, 29 juin 2004, n° 02- 31.144).

Les autres proches de la victime (frères et sœurs de la victime, petits-enfants, …) peuvent toujours agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité (Cass. ass. plén., 2 février 1990, n°89-10.682).

En résumé

La faute inexcusable de l'employeur est un principe fondamental du droit du travail, étroitement lié à l'obligation de sécurité à laquelle l’employeur est tenu, laquelle couvre non seulement la protection physique des travailleurs, mais aussi leur santé mentale.

La faute inexcusable se manifeste lorsque, malgré la connaissance d'un risque, ou l’absence de connaissance d’un risque qu’il aurait dû connaître, l'employeur n'a pas agi pour le prévenir. 

Pour obtenir la reconnaissance de cette faute inexcusable, le salarié ou ses ayants droit doivent saisir le pôle social du tribunal judiciaire, anciennement TASS.

La reconnaissance de la faute inexcusable entraîne des conséquences financières importantes, pour l’employeur comme pour le travailleur victime. 

Outre la majoration de son taux de cotisation CARSAT lié à l’augmentation du risque qu’il fait peser sur ses salariés, l’employeur peut être condamné à rembourser à la Sécurité sociale le montant de la rente et éventuellement de la majoration de rente versée au salarié, ainsi que les dépenses de santé engagées. Il peut, en outre, être condamné à verser, sous forme de dommages-intérêts, des sommes supplémentaires pour le préjudice subi par le travailleur victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.

Dans ce contexte, les élus du comité social et économique (CSE) jouent un rôle essentiel. Ils veillent à ce que l’employeur respecte son obligation de sécurité, notamment par la mise en place et le suivi de mesures de prévention des risques. Leur rôle consultatif, mais aussi d'alerte, les positionne comme des acteurs-clés dans la prévention des accidents. Ils sont également en première ligne pour accompagner les salariés en cas de manquements graves de l’employeur, contribuant ainsi à la défense de leurs droits et de leur intégrité.

Cette situation rappelle à quel point une démarche de prévention des risques professionnels est cruciale. En agissant de manière proactive à travers des outils comme le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) ou la formation régulière des salariés, l'employeur peut non seulement éviter la reconnaissance d'une faute inexcusable, mais aussi préserver la santé et la sécurité de ses équipes. L’engagement des élus du CSE dans ce processus permet de renforcer ce dispositif et de garantir que l’obligation de sécurité est prise au sérieux.

Ainsi, la faute inexcusable met en lumière non seulement la responsabilité de l’employeur, mais également le rôle indispensable des représentants du personnel dans la prévention et la vigilance au sein de l’entreprise. Une telle faute peut avoir des répercussions humaines et financières considérables, d'où l'importance d'une action préventive rigoureuse.

FAQ : La faute inexcusable de l'employeur

Qu'est-ce que la faute inexcusable de l'employeur ?

La faute inexcusable de l'employeur est une violation grave de l'obligation de sécurité envers ses salariés, lorsqu'il a eu connaissance du danger auquel le salarié était exposé ou aurait dû en avoir connaissance, sans prendre les mesures nécessaires pour le protéger. 

La reconnaissance de cette faute peut donner lieu à une indemnisation complémentaire pour le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

Quel est le rôle des élus du CSE en matière de prévention des risques professionnels ?

Les élus du CSE jouent un rôle crucial dans la prévention des risques professionnels. 

Ils veillent à ce que l'employeur respecte son obligation de sécurité, notamment en mettant en place et en suivant les mesures de prévention des risques. 

Ils doivent également alerter sur les manquements, et soutenir les salariés en cas de besoin.

Quelles sont les conséquences financières pour l'employeur en cas de reconnaissance de faute inexcusable ?

L'employeur peut être condamné à rembourser à la Sécurité sociale les montants versés au salarié au titre de la rente et de sa majoration éventuelle. 

Il peut également être condamné à verser des dommages-intérêts pour le préjudice subi par le salarié. 

Quels types de préjudices un salarié peut-il demander réparation en cas de faute inexcusable de l’employeur ?

Un salarié peut demander réparation pour plusieurs types de préjudices, dont le déficit fonctionnel permanent, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, la perte de possibilités d’évolution professionnelle, le préjudice sexuel, et le préjudice d’anxiété.

Que faire si un salarié souhaite engager une procédure en reconnaissance de faute inexcusable ?

Le salarié ou ses ayants droit doivent saisir le pôle social du tribunal judiciaire. 

La procédure implique de démontrer que l'employeur a commis une faute inexcusable.

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