Il n’est pas rare lorsque l’on est à la tête d’une entreprise d’envisager le rachat d’une autre structure ou de faire fusionner cette dernière avec une autre et accroître sa présence auprès de la clientèle. Si cela peut apparaître comme anodin et simple, le droit de la concurrence s’en saisit en raison de l’impact que peut générer une telle opération sur le marché. Toute une procédure est envisagée par le législateur afin de préserver le libre jeu de la concurrence et en fonction de l’envergure de l’opération, l’Autorité de la concurrence doit-être préalablement notifiée.
Dirigeant d’entreprise ou simplement curieux, vous souhaitez vous renseigner plus en profondeur sur ces opérations que l’on appelle juridiquement “opération de concentration”, votre assistant juridique augmenté Qiiro vous propose de découvrir ensemble ses critères de qualification, mais aussi la procédure qui l’accompagne.
Votre assistant juridique augmenté Qiiro vous explique tout !
Alors, cher lecteur, pour être incollable sur le sujet, laissez-vous guider par les développements qui vont suivre.
Une opération de concentration peut être réalisée à travers différentes opérations. Tel est le cas lorsque deux entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, lorsqu’elles créent une entreprise commune ou lorsqu’une entreprise prend le contrôle d’une ou plusieurs autres. La concentration implique donc par exemple, une prise d’influence déterminante d’une société sur la gestion courante et la politique commerciale d’une autre société.
Cette définition est donnée par l’article 3§1 du Règlement (CE) n°139/2004. Il s’agit d’une fusion ou d’une prise de contrôle d’une ou plusieurs entreprises.
L’on retrouve également une définition de l’opération en droit interne à l’article L.430-1 du Code de commerce, la concentration est définie de la façon suivante :
“I. - Une opération de concentration est réalisée :
1° Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;
2° Lorsqu'une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises.
II. - La création d'une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome constitue une concentration au sens du présent article.
III. - Aux fins de l'application du présent titre, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment :
Cette concentration entraîne donc des changements structurels. Celle-ci ne peut avoir lieu que si elle entraîne des modifications de contrôle d’une entreprise. Une modification purement interne n’est pas structurelle. Les conditions essentielles étant le transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d’une entreprise.
Les concentrations ne sont pas toujours constitutives de pratiques anticoncurrentielles, c’est pour cela que la loi ne les sanctionne pas mais les place seulement sous le contrôle préalable de l’Autorité de la Concurrence.
En revanche, elles sont interdites lorsqu'elles sont de nature à créer ou renforcer une position dominante.
Il existe des concentrations horizontales et verticales.
La concentration est dite verticale lorsque les différents opérateurs (entreprises) n’agissent pas au même moment sur la chaîne de production. Ainsi, cette opération permet à une entreprise de contrôler la production en amont ou la distribution, en aval.
La concentration horizontale est celle opérée sur le même marché. Les entreprises qui font l’objet de la concentration sont semblables et donc concurrentes et agissent au même stade sur la chaîne de production ou commercialisation. Cette opération leur permet d'augmenter leur part de marché et avoir ainsi une position plus intéressante, mais aussi de réaliser des économies d’échelle. Ces entreprises sont donc complémentaires.
Il existe trois types de concentrations.
La fusion peut être de plusieurs sortes, il peut s’agir d’une simple fusion, d’une fusion-absorption ou fusion-scission.
La fusion est définie comme l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transmettent leur patrimoine à une nouvelle société qu’elles constituent. Ainsi, une ou plusieurs sociétés se réunissent et juridiquement pour n’en former plus qu’une seule. Selon les modalités de la fusion, les deux sociétés disparaissent juridiquement ou l’une d’entre elles subsiste.
Lorsqu’une troisième société est créée à partir de deux sociétés existantes qui disparaissent par la suite, il s’agit d’une fusion simple.
Dans la fusion-absorption, une société disparaît au profit d’une autre qui s’agrandit en absorbant l’autre.
Lors de l’opération de fusion-absorption la ou les sociétés transmettent leur patrimoine à une société existante. Lorsqu’une société reprend intégralement le patrimoine d’une autre société qui disparaît, on parle d’absorption.
L’absorbé est la société rachetée qui va disparaître. Quant aux associés de la société absorbée, ils deviennent associés de la société absorbante.
La fusion prend effet au moment de la dernière assemblée qui a approuvé la fusion (sauf dispositions spécifiques établies par les parties).
La date de fusion mentionnée dans le registre de commerce est la date d’effet pour les tiers.
La prise de contrôle est, au sens de l’article 3§1, b du Règlement n°139/2004 celle d’une ou plusieurs entreprises. Il s’agit d’un changement durable du contrôle qui résulte de cette opération d’acquisition.
La notion de contrôle est au cœur de l’opération. Il s’agit de la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise. Cette influence déterminante est définie comme durable et stratégique.
Celle-ci se traduit par l’acquisition par une ou plusieurs personnes, détenant le contrôle d’une entreprises ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect, de l’ensemble ou des parties d’une ou plusieurs entreprises, que ce soit par une prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen selon le règlement n°139/2004.
Concrètement, une entreprise s’approprie une partie du capital d’une autre société. Si la participation dépasse 50%, c’est-à-dire qu’elle est majoritaire, on parle de prise de contrôle. Si tel n’est pas le cas, il s’agit d’une participation.
Ce contrôle peut donc être obtenu de différentes manières, notamment à travers l’acquisition d’actions, éventuellement combinées avec un pacte d’actionnaires en cas de contrôle commun ou de l’acquisition d’éléments d’actifs ou encore sur base contractuelle.
Ce contrôle acquis peut ainsi être exclusif ou conjoint.
Le contrôle est dit exclusif lorsqu’il est mené par une seule entreprise et conjoint lorsque deux ou plusieurs entreprises ont la possibilité d’exercer sur celle-ci une influence déterminante.
Ce système est souvent nommé “joint ventures”. Ce type de concentration a été défini par l’article 3-4 du Règlement n°139/2004/CE et l’article L.430-1 du Code de commerce.
Il s’agit de “la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration”.
Cette filiale suppose qu’elle soit l’objet de la part des sociétés mères d’un contrôle en commun et qu’elle accomplisse toutes les fonctions d’une entité économique autonome.
Cette entité économique autonome se définit quant à elle comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels (personnels) et incorporels (matériel) permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit des intérêts propres.
Cette entreprise commune doit opérer sur un marché, telle que toute autre entreprise présente sur celui-ci. Les fonctions accomplies doivent être celles d’un opérateur classique sur le marché concerné.
En France, les opérations de concentration n’ayant pas de dimension européenne, elles doivent être notifiées à l’Autorité de la concurrence.
Attention, il ne s’agit pas de toutes les opérations de concentration, mais seulement de celles considérées comme suffisamment importantes et pouvant donc impacter la concurrence sur le marché.
Pour cela deux critères de seuils cumulatifs ont été établis :
Auparavant une notification préalable à la concentration était exigée par l’Autorité de la concurrence.
Depuis le décret n°2019-339 du 18 avril 2019 cette obligation a été supprimée. Ce même décret relève par ailleurs de 5% le seuil à partir duquel le marché est considéré comme étant affecté par les concentrations verticales.
Ainsi un simple dossier de notification en un seul exemplaire est exigé conformément à l’article R.430-2 du Code de commerce.
La pré-notification ou notification se fait via un formulaire de démarches simplifiées en ligne.
L’opération doit atteindre certains seuils pour être considérée comme une concentration. En effet, les opérations intéressent les autorités par leur importance.
Si l’opération atteint ou dépasse les seuils fixés et si il s’agit d’une concentration au niveau communautaire alors elle tombera dans le champ de compétence de la Commission.
Les seuils sont fixés dans le règlement communautaire (article 1).
Concernant les opérations de concentration de grande dimension 3 critères cumulatifs sont exigés.
Concernant les opérations de moins grande envergure, des seuils ont également été fixés :
Comme pour les concentrations de grande envergure, la règle des ⅔ s’applique pour éviter de donner une compétence communautaire à des concentrations purement nationales.
Le contrôle des concentrations peut être fait à un niveau national ou communautaire. Différents critères ont été établis afin de déterminer la compétence.
Les règles sur le contrôle des concentrations se trouvent notamment aux articles L.430-1 à L.430-10 du Code de commerce. Ils évaluent les effets d’un rapprochement d'entreprises sur la concurrence. Il s’agit de la méthode du bilan économique.
En droit européen on retient également la méthode du bilan concurrentiel. Toutefois, en droit français cette méthode n’est pas retenue.
Ce contrôle peut s’exercer à tout moment.
Un certain nombre de conditions de seuil sont mises en place. Ainsi, un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros hors territoire national et un chiffre d’affaires en France, équivalent ou supérieur à 15 millions d’euros ont été fixés.
Toute opération de concentration envisagée et qui remplit les seuils fixés doit être notifiée à l’Autorité de la concurrence (ADLC).
Le ministre de l'Économie peut demander un examen approfondi dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la réception de la décision de l’ADLC.
Les sanctions sont prononcées en France par l’ADLC.
Le contentieux du contrôle des concentrations relève en France du Conseil d’Etat.
Le contrôle au niveau communautaire est fait avant la concentration lorsqu’un projet de concentration est susceptible de fausser la concurrence dans au moins trois États membres de l’Union européenne. Lorsque ces critères sont remplis, la compétence communautaire est exclusive (article 21§2 du règlement).
Des conditions de seuil sont également prévues, telles que décrites ci-dessus.
La Commission européenne reçoit les notifications des opérations de concentration. Elle peut les valider ou les interdire en fonction de l’impact sur les conditions de la concurrence dans l’Union européenne et du risque d’abus de domination.
Les critères d’évaluation impliquent la présence ou l’absence d’entrave significative à la concurrence.
Une décision de compatibilité ou d’incompatibilité est rendue.
Les décisions de la Commission sont susceptibles de faire l’objet de recours en annulation devant le TUE ou CJUE.
La sanction infligée est une amende égale ou inférieure à 10% de son chiffre d’affaires.
Il peut s’agir du sauvetage d’une entreprise défaillante ou du gain d’efficacité.
Un des principaux objectifs de la concurrence sont les gains d’efficacité. Ces gains d’efficacité sont encouragés par la concurrence et la justifient. Ils profitent à la fois aux consommateurs et aux entreprises. Cet effet est recherché et encouragé par les Etats, car ils profitent au développement économique du pays.
Les parties cherchant à justifier leur opération de concentration doivent ainsi prouver que la concentration aura vraisemblablement cet effet. L’atteinte à la concurrence sera ainsi en quelque sorte justifiée par l’absence d’alternatives moins restrictives pour la concurrence.
La notion de failing company defence est apparue aux Etats-Unis dans les années 1930.
Elle repose non pas sur un critère social mais bien sur un critère concurrentiel. Ainsi, la préservation d’une entreprise sur le marché permet d’optimiser la concurrence sur ce marché, alors que sa disparition emporterait, pour les autres acteurs, un renforcement de leur pouvoir de marché.
Concrètement, une entreprise qui accuse durablement des pertes et voit sa part de marché s’amoindrir. Cette entreprise est considérée comme défaillante. Cette notion d’entreprise défaillante présente un intérêt pour le contrôle des concentrations.
L’intérêt est de faire valoir le fait que l’acquisition de l’entreprise en difficulté ne restreint pas substantiellement la concurrence. En effet, cela permettrait de sauver l’entreprise qui en l’absence d’une telle action sortira du marché.
L’entreprise défaillante étant en perte de parts de marchés, ne possède pas une forte influence sur le marché et donc sur la concurrence. Il s’agit alors d’une opération de sauvetage.
Les opérations de concentration n’ont désormais plus de secrets pour vous !
Sachez que notre équipe se fera un plaisir de vous assister dans toutes les démarches liées à la gestion de votre personnel, mais aussi de vous renseigner de manière exhaustive sur les dispositions légales et réglementaires, alors rendez vous sur Qiiro.
Si d’autres pans du droit des affaires vous sont étrangers et vous intéressent, votre assistant juridique augmenté QIIRO sera ravi de vous faire découvrir et de vous familiariser avec cet univers à priori hostile, mais tellement intéressant.
Nos juristes sont également prêts à vous fournir de nombreux renseignements personnalisés par chat ou par téléphone.
Cet article vous est proposé par Viktoria PEEVA, juriste chez Qiiro.