Vous vous interrogez sur le sort de vos contrats en cas de survenance de circonstances exceptionnelles ? Vous avez déjà eu écho de ce que l’on appelle la force majeure et souhaitez comprendre cette notion ? Nous allons vous expliquer tout ce qu’il y a savoir sur les critères juridiques de caractérisation de ces notions, mais aussi leurs conséquences légales concernant l’exécution de vos contrats.
Ces circonstances imprévisibles au moment de la formation du contrat peuvent être de différentes natures. Il s’agit d’ailleurs d’une thématique d’actualité ayant soulevé des interrogations, notamment dans le contexte de crise sanitaire liée à la pandémie de Covid 19. Vous trouverez toutes les explications nécessaires dans cet article.
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Alors, chers lecteurs, pour être incollable sur le sujet, laissez-vous guider par les développements qui vont suivre.
Les principes en matière de droit des contrats figurent dans ce que l’on appelle le droit commun aux articles 1102 à 1104 du Code civil issus de la réforme du droit des obligations.
Concrètement, il s’agit du principe de liberté contractuelle, de force obligatoire des contrats et de bonne foi contractuelle.
Ainsi, les cocontractants doivent faire preuve de bonne foi à tous les stades de leur relation contractuelle, mais notamment au moment de la négociation de leur convention. Ils doivent adopter un comportement loyal, coopérer et être honnêtes, ce qui implique de ne pas chercher à se nuire.
La liberté contractuelle implique qu’on est libre de contracter ou de ne pas contracter, mais également de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat. Ces règles s’appliquent dans les limites de l’ordre public, c’est-à-dire, des règles auxquelles on ne peut en aucun cas déroger.
Par conséquent, cette liberté permet de donner à ces conventions une force obligatoire. Conformément à l’article 1103 du Code civil, “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.
Cela veut dire que les parties ayant librement déterminé les stipulations contractuelles prévues dans leur convention doivent les respecter. Ces stipulations feront office de loi dans leur relation contractuelle.
L’article précité est inspiré d’une règle ancienne, selon laquelle, chaque partie doit respecter la parole donnée. De plus, elle souligne le principe de non ingérence dans les affaires d’autrui qui s’applique aussi bien au juge qu'aux tiers.
Les parties sont donc libres de contracter avec qui elles le souhaitent, cependant elles sont tenues par les dispositions du contrat établi. Ce contrat qui est négocié librement doit être respecté par les tiers. Ils doivent à la fois respecter cette relation, mais aussi le principe de non-ingérence.
Les circonstances exceptionnelles se définissent comme un événement ou une série d’événements de nature climatique (comme un ouragan), pandémique, bactériologique, militaire, politique ou diplomatique, ou tout autre événement similaire de nature à empêcher totalement ou en partie d’exécution du contrat en rendant son coût disproportionné.
Concrètement, il s’agit d’un des justificatifs employés lorsque les dispositions contractuelles paraissent inadaptées à une situation donnée et qu’il semble nécessaire d’y déroger.
Deux cas de figures sont prévus par la loi, l’imprévision et le cas de force majeure. Dans cet article nous allons nous intéresser plus en détail à l’imprévision dans l’exécution contractuelle.
L’imprévision est définie à l’article 1195 du Code civil comme suit : “Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.”
Par conséquent, l’imprévision désigne la situation dans laquelle un contrat devient déséquilibré par la survenance de circonstances qui étaient ni existantes, ni prévisibles lors de sa conclusion.
Attention, dans le cadre de l’imprévision il s’agit bien de circonstances imprévisibles et non pas imprévues. La différence est subtile.
En effet, une circonstance prévisible mais non prévue par les parties lors de la conclusion du contrat n’entre pas dans le régime de l’imprévision.
Ainsi, il s’agit d’un événement que les parties ne pouvaient pas raisonnablement prendre en compte. Au sens de la jurisprudence, il s’agit bien d’un événement normalement et raisonnablement imprévisible. La notion de raisonnablement prévisible suppose une analyse in abstracto afin de déterminer ce qui aurait pu être normalement prévu. La notion est donc atténuée, car l’événement n’a pas à être totalement imprévisible.
Ce changement de circonstances doit donc être imprévisible au moment de la conclusion du contrat, telle est la première condition de caractérisation de l’imprévision. Tout type de changement sera susceptible d’être pris en compte. Il faut considérer en revanche que ce qui aurait pu être prévu aurait dû l’être et en pareil cas, l’article 1195 ne trouvera pas application.
Les dispositions légales prévoient également qu'il doit s’agir d’une circonstance qui rend l’exécution du contrat particulièrement onéreuse. Cette deuxième condition traduit un déséquilibre majeur ou une disproportion manifeste entre les prestations.
En effet, l’équilibre contractuel découle de la liberté contractuelle. Les parties étant en droit réputées libres et égales, celles-ci sont à même de déterminer librement cet équilibre.
L’intérêt n’est pas de rechercher ce qui est réellement équilibrée mais de respecter la volonté des parties. Par conséquent, ce qui est contractuel est juste.
Les circonstances exceptionnelles, pouvant rendre l’exécution contractuelle si onéreuse, qu’elle va à l’encontre de la volonté des parties ou du moins de l’une d’entre elles. Pour cela des dispositions spécifiques sont prévues à cet effet.
Aucun texte ne définit le degré de ce caractère onéreux. Le juge interprète au cas par cas les différentes situations. Ainsi, par exemple, il peut s’agir d’une perte financière préjudiciable pour le débiteur.
Ainsi, cela peut s’entendre non seulement du renchérissement du coût d’exécution, mais aussi de la diminution de la contrepartie perçue par le cocontractant.
Enfin, ce critère s’apprécie objectivement et non pas en considération des facultés du débiteur. Cela veut dire que le changement de situation et la perte financière ou le renchérissement du coût sont prises en compte. Les difficultés financières du débiteur provenant de facteurs externes à cette situation ne sont pas considérés.
La troisième condition d’application de ce régime implique que le cocontractant qui demande la renégociation et qui veut donc appliquer le régime de l’imprévision ne doit pas avoir accepté d’assumer le risque.
Autrement, on considère que la prise en charge de ce risque est réglée contractuellement. Il est à noter que cette acceptation du risque peut être tacite et donc résulter de la nature du contrat et non pas de la lettre de son texte.
Le régime légal de l’imprévision ne s’applique que si les parties ne l’ont pas exclu par une stipulation expresse. Il ne s’agit pas d’un régime d’ordre public. Il peut être prévu, écarté ou aménagé par les parties.
Lorsque les conditions sont réunies, l’intervention du juge n’est pas encore permise. Il faut pour cela tout d’abord demander la renégociation à son cocontractant. Ce n’est uniquement à défaut d’accord entre les parties que le juge intervient.
La partie qui demande la renégociation du contrat ne doit pas avoir accepté d’assumer les risques liés aux changements imprévisibles des circonstances. Il est possible de prévoir l’acceptation de ces risques par l’insertion d’une clause spécifique au contrat.
Toutefois, il est également possible de prévoir la survenance de circonstances pouvant influer sur l’exécution des obligations prévues. Cela peut notamment être fait par l’ajout d’une disposition contractuelle à cet effet. On appelle ces clauses, des clauses de sauvegarde ou de renégociation (hardship).
Il n’est possible d’invoquer l’application de ces clauses, uniquement si elles sont prévues par écrit dans un contrat signé par les parties contractantes.
Pour rappel, la clause de hardship est une clause qui permet à l’une ou l’autre des parties de demander une nouvelle négociation lorsqu'un événement bouleverse gravement l’équilibre des prestations au contrat. Souvent utilisée dans le cadre de contrats dont l’exécution s’étale sur une période de plusieurs années ou indéterminée.
Le juge apprécie le caractère imprévisible d’un événement dans le cadre des clauses de hardship ou encore de force majeure. Le professionnel doit rester raisonnablement prudent.
Il peut s’agir d’un événement de nature économique ou encore technologique, voire politique (tel que la variation du prix du pétrole par exemple). C’est une transposition de l’imprévision dans les contrats commerciaux.
Il est à noter que la clause de hardship est une stipulation contractuelle. Elle se distingue de l’imprévision ou encore de la force majeure.
La force majeure suppose qu’il est impossible d’exécuter le contrat et dispose d’un régime d’application aux conditions précises et strictes.
Dans le cadre de la clause de hardship cette exécution est possible, mais particulièrement difficile ou onéreuse.
L’imprévision est quant à elle une disposition légale et non pas contractuelle comme la clause de hardship. Elle peut donc être invoquée sans avoir été prévue dans le contrat, sauf si les stipulations contractuelles excluent expressément son application.
Enfin, tout contrat peut être renégocié à tout moment. Cette possibilité découle du principe de liberté contractuelle.
En revanche, la clause de hardship ne s’applique que si les conditions prévues par cette dernière sont réunies.
Conformément aux dispositions de l’article 1195, le cocontractant qui se considère lésée par le changement de circonstances peut demander la renégociation du contrat. Par conséquent, la renégociation se fait entre les parties signataires de la convention initiale.
Toutefois, il convient de souligner qu’il n’existe aucune obligation de renégociation pour la partie non lésée dans le cadre d’une demande amiable. Cette condition se présente comme un préalable à l’intervention du juge. Une simple tentative de renégociation suffit donc.
Si la demande de renégociation est acceptée par l’autre partie, les règles en matière contractuelle s’appliquent. Il s’agit notamment de l’obligation de renégociation de bonne foi, régie par l’article 1104 du Code civil.
La partie souhaitant une renégociation doit évidemment prouver le changement de circonstances. Si la renégociation aboutit favorablement, il est souhaitable de mettre les nouvelles conditions par écrit par le biais d’un avenant.
Il est important de souligner que si la renégociation est rejetée, l’exécution contractuelle doit se poursuivre telle que fixée dans le contrat.
L’échec ou le refus de renégociation est régi par le deuxième alinéa de l’article 1195 du Code civil.
Cet article dispose, comme suit : “En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.”
Si la demande de renégociation n’aboutit pas, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat. En réalité, les parties peuvent toujours convenir de la résolution de leur contrat même en dehors des cas d’imprévision.
Il est également possible pour une des parties ou l’ensemble des parties de saisir le juge pour réviser ou résilier le contrat. Les parties ayant échoué à résoudre leurs différends lors de la phase amiable peuvent donc demander au juge de le faire en adaptant le contrat aux nouvelles circonstances.
Enfin, à défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut lui-même réviser le contrat ou y mettre fin.
La crise du coronavirus est susceptible de rendre l’exécution de certains contrats difficile voire impossible.
Cette situation a pu être assimilée au départ à un cas de force majeure par les pouvoirs publics.
La force majeure est prévue à l’article 1218 du Code civil. Il est possible de mettre en place ce régime si les conditions sont réunies. La force majeure caractérise un événement qui réunit initialement trois conditions traditionnelles, que l’on réduit à deux depuis la réforme.
Ces conditions sont l’extériorité de l'événement, son imprévisibilité et son caractère irrésistible. Il est opportun de mettre en place ce régime si l’exécution du contrat est devenue impossible.
L’événement est tout d’abord considéré comme extérieur, lorsqu’il échappe au contrôle du débiteur (ex: catastrophe naturelle). Il doit s’agir d’une cause étrangère sur laquelle ce cocontractant n’a aucun pouvoir et qui est étranger à sa volonté.
Cependant, il semble que l’extériorité ne représente plus pour la jurisprudence une condition nécessaire pour l’application du régime de la force majeure. En effet, ces dernières années de plus en plus de facteurs internes ont été considérés comme étant des cas de force majeure.
La Cour de cassation a pu ainsi retenir certaines circonstances économiques, la maladie ou la grève comme réunissant les critères de ce régime.
L’imprévisibilité de l’événement s’apprécie au moment de la conclusion du contrat. Il s’agit alors d’un événement dont la prise en charge n’est pas normalement attendue du débiteur. L’appréciation de ce facteur est variable, car la jurisprudence l’apprécie parfois strictement, il faut alors que l’imprévisibilité soit totale et d’autres fois un événement qui ne soit pas “normalement imprévisible” suffit.
Enfin, l'irrésistibilité suppose que le débiteur de l’obligation soit dans l’impossibilité d’agir. L’appréciation de ce critère se fait donc in concreto. Autrement dit, il s’agit de savoir si un individu moyen placé dans cette situation aurait pu surmonter l’obstacle.
Toutefois, si cette exécution est possible mais plus difficile, c’est-à-dire, plus onéreuse notamment, il est possible d’invoquer l’imprévision et de renégocier ainsi les termes du contrat.
Attention, ce changement de circonstances (lié au Covid 19 ou autres) doit être imprévisible à la date de conclusion du contrat, dès lors ce critère semble aujourd’hui, ne plus pouvoir être réuni.
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Cet article vous est proposé par Viktoria PEEVA, juriste chez Qiiro.