Tout savoir du nantissement du fonds de commerce

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La vie professionnelle d’un commerçant est rythmée par des investissements nécessitant pour certains des emprunts. Néanmoins, fidèle à la maxime populaire selon laquelle « Qui veut la paix prépare la guerre », le préteur conditionne habituellement l’accord de prêt à l’octroi d’une garantie. 

Contrairement aux hypothèques sur les immeubles, le gage sur les biens meubles ou la caution personnelle, le nantissement est une garantie légale ou conventionnelle permettant au créancier nanti de se prémunir contre la défaillance ou l’insolvabilité du commerçant débiteur. Le nantissement porte ainsi sur le fonds de commerce qui désigne l’ensemble des éléments corporels et incorporels que le commerçant rassemble et organise afin de rechercher et d’exploiter une clientèle. Étant un élément essentiel de l’actif professionnel d’un commerçant, le fonds de commerce peut faire l’objet d’une opération de nantissement qui est un gage sans dépossession. 

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Mais plus concrètement, qu’est-ce que le nantissement du fonds de commerce ? Quelles sont ses différentes formes ? Quelles sont les conditions de mise en œuvre d’un nantissement conventionnel ? Quels sont les effets d’un nantissement ? Et quelles sont les protections juridiques qui en découlent ? 

Afin de répondre à toutes ces interrogations, votre assistant juridique augmenté QIIRO vous apporte un éclairage particulier sur tout ce qu’il faut savoir sur le nantissement du fonds de commerce.

Qu’est-ce que le nantissement du fonds de commerce ?

Le nantissement d’un fonds de commerce est une technique juridique permettant au propriétaire d’un fonds de commerce d’affecter celui-ci en garantie au profit d’un créancier pour le paiement d’une dette. Il s’agit d’une sûreté réelle qui s’opère sans dépossession. En effet, le nantissement du fonds de commerce n’entraîne pas dans l’immédiat une dépossession du commerçant de son bien. Ce dernier conserve durant tout le nantissement la pleine et entière propriété de son fonds de commerce ayant servi à l’obtention d’un crédit. Ainsi, le nantissement peut porter sur le fonds de commerce lui-même ou uniquement sur certains de ses éléments mobiliers corporels ou incorporels.

Quelles sont les différentes formes de nantissement d’un fonds de commerce ?

En droit commercial français, le nantissement d’un fonds de commerce peut être conventionnel ou judiciaire.

 

Le nantissement conventionnel

Le nantissement conventionnel suppose que le commerçant a consenti par le biais d’un contrat de mettre en garantie son fonds de commerce au bénéfice d’une créance qu’il a souscrite auprès de son fournisseur ou de sa banque. Le fournisseur lui octroie des délais de paiement ou bien la banque lui octroie un crédit en contrepartie du nantissement du fonds de commerce.

 

Le nantissement conventionnel doit faire l’objet d’un écrit et peut donc prendre la forme d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé. Le contrat de nantissement doit être enregistré dans les trente jours de sa rédaction dans un registre spécial au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds de commerce concerné est exploité.

 

Enfin, le nantissement ne peut pas porter sur les marchandises qui sont, par nature, destinées à être vendues.

Le nantissement judiciaire 

Le nantissement judiciaire du fonds de commerce est un mécanisme juridique permettant à un créancier faisant face à l’insolvabilité de son débiteur d’avoir une garantie de paiement accordé dans l’immédiat par le tribunal de commerce. Étant une mesure de nature conservatoire, le nantissement judiciaire pour être efficace intervient sans l’accord préalable du débiteur propriétaire du fonds de commerce. 

Ainsi, pour obtenir un nantissement judiciaire sur le fonds de commerce, la créance doit être fondée dans son principe et que son recouvrement est menacé par l’insolvabilité du commerçant. Dans ces conditions, le créancier peut valablement saisir le juge de l’exécution du tribunal judiciaire ou le président du tribunal de commerce si la créance est commerciale pour obtenir l’autorisation de prendre une inscription de nantissement sur le fonds de commerce. Toutefois, nul besoin d’une quelconque autorisation judiciaire pour le créancier titulaire d’une décision de justice assortie d’une force exécutoire, d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer impayé.

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Quelles sont les conditions de mise en œuvre d’un nantissement conventionnel d’un fonds de commerce ?

La mise en œuvre conventionnelle d’un nantissement du fonds de commerce est légalement circonscrite dans des limites juridiques auxquelles les parties ne peuvent pas y déroger conventionnellement. 

En effet, nonobstant l’obligation de recourir à un acte authentique ou un écrit sous seing privé, le code de commerce nous enseigne que le nantissement n’est possible qu’à la condition que :

 

Le fonds de commerce objet du nantissement existe 

La technique du nantissement n’est ouverte qu’au fonds réputé être commercial ou artisanal. Cela exclut naturellement le recours aux règles du nantissement pour garantir le paiement d’une créance souscrite par un cabinet médical, un chirurgien-dentiste, un architecte ou un avocat. En outre, pour faire l’objet d’un nantissement le fonds de commerce doit réellement avoir une existence juridique le jour de sa constitution. En d’autres termes, le nantissement n’a d’effet que sur un fonds de commerce remplissant les conditions légales d’existence. Sont donc exclus les fonds de commerce non exploités et ne disposant par conséquent d’aucune clientèle. Toutefois, il est possible de procéder à un nantissement sur un fonds de commerce en formation.

La créance objet du nantissement est valable 

Le contrat de nantissement étant l’accessoire d’une créance dont il sert à garantir le paiement, celle-ci (la créance) doit être valable. Le nantissement est donc réputé être nul lorsque la créance qu’il garantit est fictive, nulle ou éteinte. Le contrat de nantissement peut être antérieure ou postérieure la créance à condition qu’elle soit toutefois licite. Le contrat de nantissement d’un fonds de commerce servant à garantir une créance future ne produira ses effets juridiques que lorsque la créance aura une existence certaine. 

Le fonds de commerce appartient au commerçant

Servant à garantir le paiement d’une créance professionnelle, le fonds de commerce, objet du nantissement doit appartenir au commerçant. Ainsi, le nantissement portant sur un fonds de commerce appartenant à une tierce personne est nul. 

L’exigence d’un fonds de commerce appartenant au commerçant répond ici à une logique de sécurité au bénéfice du créancier nanti. De cette manière, en cas de défaut de paiement, le créancier nanti dispose de la faculté de provoquer la vente forcée du fonds de commerce pour obtenir le paiement de sa créance.

✍    BON À SAVOIR
Le consentement des deux époux est obligatoire lorsque le nantissement porte sur un fonds de commerce organisé selon le régime de la communauté des biens. 

Le fonds de commerce se trouve en France

La loi française organise spécifiquement les privilèges dont le créancier nanti tire du nantissement du fonds de commerce de son débiteur. De la même façon, elle régit les conditions de l’opposabilité du nantissement du fonds de commerce aux tiers. Par conséquent, pour garantir les droits du créancier nanti, le nantissement doit porter sur un fonds de commerce dont l’existence et l’exploitation repose sur les règles du droit français. Néanmoins, rien ne s’oppose au nantissement d’un fonds de commerce situé à l’étranger lorsque les lois du pays d’accueil le permettent.

Quels sont les éléments du fonds de commerce pris en compte dans le nantissement conventionnel ?

Conformément aux dispositions légales, entre de plein droit dans la constitution d’un nantissement conventionnel du fonds de commerce les éléments suivants : 


  • L’enseigne et le nom commercial



  • La clientèle et l’achalandage


En plus de ces éléments, les parties peuvent conventionnellement inclure dans l’acte de nantissement d’un fonds de commerce les éléments suivants : 


  • Le droit d’occupation privative d’un emplacement au sein d’un marché d’intérêt national 


  • Le mobilier commercial, le matériel ou l’outillage 


  • La propriété industrielle, intellectuelle ou artistique


  • La concession immobilière portant sur un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal
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Quelles sont les opérations obligatoires consécutives au nantissement d’un fonds de commerce ?

Pour être valable, le nantissement d’un fonds de commerce doit faire l’objet d’une inscription au greffe du tribunal de commerce qui confère au créancier inscrit des prérogatives sur le fonds de commerce. Ainsi, quelle que soit la forme de nantissement mis en œuvre (conventionnel ou judiciaire), l’opération pour être valable doit au préalable faire l’objet d’une double inscription. 

 

L’inscription au greffe du tribunal de commerce 

L’acte constitutif d’un nantissement portant sur un fonds de commerce doit faire l’objet d’une inscription au greffe du tribunal de commerce du lieu où se trouve le fonds de commerce exploité. À peine de nullité, cette opération d’inscription doit intervenir dans un délai de trente (30) suivant la date de l’établissement du nantissement. En l’absence d’une date sur l’acte constitutif du nantissement du fonds de commerce, il est usuel selon la jurisprudence de prendre comme point de départ du délai légal la date d’enregistrement dudit acte. 

Mesure intrinsèquement conservatoire, en cas de nantissement judiciaire, le créancier est en droit de saisir le greffe du tribunal de commerce compétent pour solliciter une inscription provisoire d’une durée trois ans renouvelables. Cette demande doit être formulée dans les quinze (15) jours suivant l’ordonnance judiciaire prononçant le nantissement du fonds de commerce. En cas d’inscription provisoire, le greffe du tribunal de commerce procède à la notification de l’acte au débiteur. Lorsqu’il estime que l’opération d’inscription provisoire constatant le nantissement sur son fonds de commerce est infondée, le débiteur notifié peut introduire auprès du greffe du tribunal de commerce une demande en référé pour obtenir une mainlevée. 

 

À l’aune de la mesure conservatoire consécutive, le créancier doit dans le mois de l’inscription provisoire du nantissement au greffe du tribunal de commerce saisir le juge compétent afin qu’il prononce une décision de justice constatant son droit. Sur la base de cette décision de justice, le créancier doit procéder dans un délai de deux (2) mois à une inscription définitive du nantissement au greffe du tribunal de commerce. 

 

L’inscription supplémentaire à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) 

Servant de garantie de la dette contractée par le commerçant, si le nantissement du fonds de commerce porte sur une propriété intellectuelle (marques, brevets, licences, logiciels ou dessins et modèles), une inscription supplémentaire doit être effectuée à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Ainsi, à peine de nullité, l’inscription auprès des registres des brevets, marques, dessins et modèles doit être effectuée à l’INPI dans les quinze jours suivant l’inscription au greffe du Tribunal de Commerce.

Quelles sont les différents droits attachés au nantissement du fonds de commerce ?

Le droit de préférence

Le droit de préférence sur le fond nanti est la première conséquence que confère le nantissement au créancier. Le nantissement étant un véritable droit de gage, il permet au créancier nanti d’être payé sur le prix de vente du fonds commerce par préférence aux autres créanciers dans le cas où le commerçant aurait cédé le fonds sans avoir payé les créances garanties par le nantissement. Il en résulte ainsi que les créanciers nantis seront payés, en principe avant les créanciers chirographaires qui ne bénéficient pas de privilèges.

Toutefois, le droit de préférence résultant d’une opération de nantissement d’un fonds de commerce n’autorise pas le créancier nanti de s’approprier le fonds de commerce en paiement de sa créance. Le législateur lui réserve simplement le droit de provoquer la vente forcée du fonds de commerce objet du nantissement pour obtenir le paiement à concurrence de sa créance. 

Le droit de suite

Le droit de suite fait que le nantissement suit le fonds commerce en quelques mains qu’il passe. Le droit de suite s’analyse globalement en une faculté ouverte aux créanciers nantis de saisir le fonds de commerce et le faire vendre judiciairement pour se faire payer sur le prix et cela même si le fonds a été déjà vendu par le débiteur.

Dans une telle hypothèse, l’acquéreur du fonds vendu en méconnaissance des droits du créancier nanti se verra déposséder de la propriété du fonds de commerce. Il dispose néanmoins de la faculté de se retourner contre le débiteur pour obtenir la restitution du prix de la vente. En effet, tout paiement intervenant pendant le délai d’opposition est inopposable aux créanciers nantis. En cas de paiement pendant la période d’opposition, le cessionnaire s’expose à devoir payer deux fois. Pour éviter cette situation kafkaïenne, il est indispensable de consigner le prix de la vente afin de permettre aux créanciers nantis d’exercer leurs droits. 

 

L’indisponibilité du prix de la vente est donc l’une des particularités existantes lors de cession d’un fonds de commerce. Après l’accomplissement des formalités fiscales et l’enregistrement de la vente, celle-ci doit être publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODDAC) et dans un journal d’annonces légales local dans les quinze (15) jours après la signature de l’acte de vente pour susciter une éventuelle opposition des créanciers du vendeur. Afin de protéger efficacement le droit des créanciers, le prix de la vente est indisponible pendant le délai d’opposition de dix (10) jours suivants la publication. Ainsi, tout créancier du vendeur du fonds de commerce peut faire opposition au paiement du prix. L’opposition a pour effet de bloquer le prix pour le rendre indisponible entre les mains de l’acquéreur qui ne peut valablement payer le vendeur. 

 

Le droit de surenchère du dixième

En cas de vente aux enchères d’un fonds de commerce faisant l’objet d’un nantissement, les créanciers nantis peuvent faire une opposition au paiement du prix de la vente les mains d’un tiers détenteur en usant de la surenchère du dixième. Il s’agit d’une procédure exclusivement réservée aux créanciers nantis leur permettant de surenchérir du dixième sur le prix de cession d’origine du fonds de commerce. De cette manière, le créancier enchérisseur acquiert la propriété du fonds de commerce sur lequel porte son droit de gage lorsque le prix du fonds de commerce proposé lors de la vente ne permet pas de couvrir l’intégralité de sa créance. 

La protection contre le déplacement du fonds de commerce 

Le déplacement du fonds de commerce d’un lieu donné vers un autre peut faire naître des conséquences sur la clientèle qui ne va pas forcément suivre le fonds de commerce dans sa nouvelle localisation.

Pour éviter la dépréciation de la valeur du fonds de commerce nanti, le propriétaire du fonds de commerce doit prévenir les créanciers nantis de son intention de déplacer le fonds au moins quinze (15) jours avant d’y procéder. En cas de non-respect de cette obligation légale, les créances inscrites et garanties par le nantissement deviennent de plein droit exigible. Du côté du créancier nanti, il dispose de quinze (15) jours à compter de l’avis envoyé par le propriétaire du fonds de commerce pour faire connaître sa décision. S’il accepte le déplacement, les parties doivent faire régulariser l’inscription de leur sûreté compte tenu du nouveau siège du fonds de commerce.

La protection contre la résiliation du bail commercial 

La résiliation du bail commercial peut avoir des graves conséquences sur la valeur même du fonds de commerce. C’est la raison pour laquelle, le législateur exige du bailleur d’un local commercial qui souhaite résilier le bail commercial dans lequel un fonds de commerce nanti est exploité, de notifier la résiliation aux créanciers titulaires du droit de nantissement.

Une fois avertis, les créanciers nantis ont la possibilité de faire échec à la résiliation du bail commercial en se substituant au locataire et en payant les loyers si la résiliation est recherchée pour défaut de paiement des loyers.

 

La protection contre la déspécialisation du fonds de commerce 

La déspécialisation du fonds de commerce étant une opération consistant à un changement d’activité, est de nature à conduire une dépréciation de la valeur du fonds de commerce nanti. Cette opération est susceptible d’entraîner une perte de la clientèle du commerce. Le commerçant qui exploite son fonds de commerce dans un local commercial peut ainsi être autorisé par le bailleur à exercer telle ou telle activité de son choix. S’il veut changer l’affectation des lieux et donc exercer une activité autre que celle initialement prévue, il doit impérativement solliciter et obtenir l’autorisation de son bailleur.

Or, en gardant à l’esprit le fait que la clientèle est l’élément principal de tout fonds de commerce, la déspécialisation d’un commerce peut avoir une certaine incidence sur la valeur du fonds. Cette situation peut intéresser les créanciers nantis. C’est pour cette raison que le législateur précise que la demande d’autorisation faite au bailleur par le locataire doit être notifiée aux créanciers nantis. Ces derniers peuvent alors demander que la déspécialisation du fonds de commerce soit subordonnée aux conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts.

À présent, grâce à votre assistant juridique augmenté QIIRO vous savez tout sur le nantissement d’un fonds de commerce. 


En cas de doute, notre équipe de juristes, disponible par chat, mail ou téléphone, vous épaule, vous renseigne et vous accompagne dans toutes vos démarches juridiques et administratives.

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