Le droit à la déconnexion s’inscrit dans une démarche de prévention de l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle d’un salarié ainsi que de sa santé.
Le droit à la déconnexion a été admis initialement par la jurisprudence il y a de cela plusieurs années. Il a également été prévu dans certains accords d’entreprise. Ce n’est qu’en 2016 qu’il est apparu explicitement dans le Code du Travail, et ce, lors des négociations en matière de qualité de vie au travail.
Ce droit permet aux salariés de ne pas être connectés à un outil numérique professionnel tel qu’un ordinateur, un smartphone, une messagerie en dehors de leur temps de travail. Ils ne sont donc pas tenus de répondre ni aux messages, ni aux appels téléphoniques ni aux e-mails durant ces heures bien définies.
Le droit à la déconnexion a été instauré par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dite “loi El Khomri” ou “loi Travail”. Celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Ce droit est indiqué dans le Code du Travail en son article L. 2242-17.
Parmi ses objectifs figure la mise en accord du droit du travail avec l’ère du digital. Cependant, celle-ci ne mentionne ni définition claire ni directives précises au sujet des modalités de ce droit. Il appartient ainsi aux entreprises elles-mêmes de définir les modalités du droit à la déconnexion.
Depuis 2017, les entreprises sont obligées d’instaurer des négociations à minima annuelles sur la qualité de vie au travail afin de définir les procédés, les règles et la mise en œuvre de l’exercice du droit à la déconnexion. A défaut d’accord, elles sont tenues de rédiger une charte qui doit prévoir ces mêmes modalités.
Bien avant l’entrée en vigueur de la loi Travail, la Cour de cassation a déjà reconnu le droit à la déconnexion en février 2014. En juillet 2018, elle a également fait un rappel sur l’obligation de l’employeur de verser une indemnité aux salariés ayant été contraints de rester disponibles en dehors de leurs heures de travail.
La mise en place du droit à la déconnexion a plusieurs objectifs tant pour le salarié que pour l’employeur.
L’utilisation des différents outils numériques permet au salarié d’avoir plus de souplesse et d’être plus autonome quant à l’organisation de son temps de travail. Toutefois, le respect du droit à la déconnexion présente plusieurs enjeux à son égard :
Pour cela, le salarié doit utiliser les outils numériques de manière raisonnée. Non seulement il a un devoir de déconnexion mais aussi le droit de ne pas être contacté ni par son employeur ni par ses collaborateurs en dehors de son temps de travail.
Si le droit à la déconnexion vise principalement le bien-être du salarié tant au niveau professionnel que dans le cadre de sa vie personnelle, il présente également plusieurs enjeux pour l’employeur. Celui-ci reste lié aux mêmes obligations dont :
En principe le droit à la déconnexion s’applique durant des jours et périodes précis dont :
Certains accords collectifs prévoient un champ d’application plus large :
Pour éviter toute ambiguïté, l’employeur doit ainsi définir avec précision les plages horaires durant lesquelles le salarié doit rester disponible.
Le droit à la déconnexion touche tous les salariés du moment qu’ils doivent utiliser les nouvelles technologies dans le cadre de leurs activités professionnelles :
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Travail, le droit à la déconnexion s’applique quelle que soit la taille de l’entreprise et le nombre de ses salariés. Cependant, la mise en place des négociations liées à ce droit peut être une obligation ou non pour l’employeur.
Pour les petites entreprises employant moins de 50 salariés, les contraintes ne sont pas conséquentes. Elles ne sont pas tenues de mener des négociations en la matière. Toutefois, elles doivent également appliquer le droit à la déconnexion de la même manière que les autres entreprises de plus grandes tailles. En revanche, l’employeur peut rédiger une charte pour solenniser l’engagement.
Pour les entreprises employant plus de 50 salariés, inclure le droit à la déconnexion parmi les sujets abordés lors des négociations annuelles est une obligation. A l’issue de la réunion, deux cas peuvent se présenter :
Seuls les salariés du secteur privé sont concernés par les dispositions liées au droit à la déconnexion prévues par la loi Travail. Ceci étant, même si celles-ci ne s’appliquent pas aux agents de la fonction publique, certaines collectivités ont décidé de mettre en place un système similaire. A titre d’exemple, la ville de Paris a instauré un mode d’emploi à la déconnexion définissant les périodes durant lesquelles l’envoi d’e-mails doit être évité et celles où les agents ne sont pas tenus de répondre.
La mise en place du droit à la déconnexion au sein d’une entreprise ne se fait pas en un jour. Plusieurs étapes sont nécessaires.
La première étape consiste à effectuer différentes analyses notamment sur la charge de travail des salariés, la nature de leurs tâches et leurs habitudes en termes d’utilisation des outils digitaux. Les résultats vont permettre d’identifier les équipes ou les salariés qui seront concernés par les différentes mesures à mettre en place.
Les analyses vont être portées sur différents points notamment :
A partir des données récoltées, il est possible de faire ressortir des tendances qui vont servir de base pour définir les règles à instaurer pour chaque service et chaque équipe.
Bon nombre de salariés méconnaissent le droit à la déconnexion. Avant la mise en place de toute initiative, il incombe ainsi à l’employeur de l’expliquer aux collaborateurs. Ces derniers doivent être informés, et ce, quels que soient leur poste et leurs responsabilités. Deux points devront être soulevés :
L’entreprise doit également communiquer sur certains sujets notamment :
Le droit à la déconnexion doit être matérialisé par écrit soit par accord collectif soit par le biais d’une charte.
Le Code du travail ne prévoit aucune mesure concrète afin d’assurer l’effectivité et le plein exercice de ce droit. Le législateur a préféré privilégier les négociations au sein de chaque entreprise. Il incombe alors à celle-ci de mettre en place les mesures adéquates en fonction de ses spécificités (dimension internationale, secteurs d’activité, modalités de management, impératifs de fonctionnement).
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Travail ayant mis en place le droit à la déconnexion, les entreprises concernées doivent définir par elles-mêmes les modalités de son plein exercice. Elles doivent également mettre en place les dispositifs qui vont encadrer l’utilisation des outils numériques. Pour ce faire, un accord collectif d’entreprise doit être établi. Pour y arriver, plusieurs étapes sont indispensables :
Si désaccord il y a à l’issue de la négociation collective, un procès-verbal en ce sens doit être rédigé. Le Code du travail impose par la suite à l’employeur de procéder à l’élaboration d’une charte. Dans ce cas, l’avis du comité économique et social lui est nécessaire.
La charte est élaborée par l’employeur.
L’élaboration d’une charte peut avoir lieu dans deux cas :
Quel que soit le cas, la charte a plusieurs objectifs :
La charte s’applique aussi bien à la direction qu’aux encadrants et aux salariés. Elle doit contenir un certain nombre de mentions légales dont :
La charte de droit à la déconnexion doit être annexée au règlement intérieur.
Certains cas sont un peu particuliers.
Le Code du travail ne mentionne pas expressément des règles précises en termes de droit à la déconnexion pour les salariés en télétravail. Implicitement, ses dispositions actuelles exigent la mise en place des modalités qui régulent la charge de travail, qui contrôlent le temps de travail et les plages horaires pendant lesquelles le télétravailleur doit rester joignable.
Pour les salariés qui disposent d’une convention de forfait en jours, la durée de travail n’est pas calculée en heures mais en nombre de jours dans l’année. Ils ne sont donc pas soumis au respect ni de l’horaire collectif ni des durées maximales de travail.
Les modalités d’exercice du droit à la déconnexion doivent être définies dans les conventions individuelles de forfait en jours. Autrement, l’employeur doit les définir et les communiquer aux salariés concernés par tout moyen.
Pendant la période d’astreinte, le salarié doit rester joignable par son employeur. Si nécessaire, il doit également être en mesure d’intervenir en temps et en heure même s’il n’est pas sur son lieu de travail.
L’employeur est cependant tenu de fixer en amont des temps d’astreinte raisonnables et de les communiquer aux salariés.
En dehors de ces temps d’astreinte, les salariés sont libres d’user de leur droit à la déconnexion.
Le Code du travail ne prévoit pas explicitement des sanctions spécifiques en cas d’inobservance des dispositions légales en matière de droit à la déconnexion. Les textes ne prévoient pas non plus de sanctions en cas d’absence de charte sur le droit à la déconnexion. L’employeur s’expose cependant à des sanctions dans plusieurs cas précis :
L’accord collectif ainsi établi doit rappeler le fait qu’aucun salarié ne doit être pénalisé ni sanctionné s’il a usé de son droit à la déconnexion durant ses jours de congé ou son temps de repos. Ni son évaluation professionnelle ni son évolution de carrière ne doit être affectée au seul motif qu’il n’a pas répondu à des appels téléphoniques ou à des courriels durant cette période bien définie.
En cas de non-respect de son droit à la déconnexion, le salarié est libre de saisir le conseil des Prud’hommes.
Elaborer un accord collectif ne suffit pas pour garantir le respect du droit à la déconnexion. D’autres actions sont nécessaires pour l’accompagner.
A l’ère du numérique, les risques de surcharge informationnelle et d’hyperconnexion sont élevés. Il appartient à l’entreprise de sensibiliser ses salariés à l’usage des outils digitaux. Celle-ci peut organiser des réunions de sensibilisation. Elle peut également inclure quelques bonnes pratiques dans l’accord collectif ou la charte de droit à la déconnexion. L’activation des messages automatiques en cas d’absence, la proscription des réunions en dehors des heures de travail, la désactivation des notifications durant les heures de pause en sont des exemples.
Les managers ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre de la politique de droit à la déconnexion. Pour inciter les collaborateurs à appliquer les règles de déconnexion, ils doivent commencer par montrer l’exemple. Une ou plusieurs formations vont leur permettre de connaître les enjeux et de se familiariser avec les bonnes pratiques.
Mettre en place plusieurs actions ne suffit pas pour garantir l’exercice du droit à la déconnexion. Encore faut-il réaliser un suivi régulier afin d’évaluer leur efficacité et d’apporter des ajustements si nécessaires.
L’entreprise peut utiliser plusieurs indicateurs de performance tels que la fréquence de connexion sur le réseau social interne durant les jours de congé, le week-end et le soir ou encore le nombre de mails envoyés durant ces mêmes périodes.
Souvent, les premières initiatives ne sont pas les bonnes. L’accord collectif ou la charte peut faire l’objet de révisions régulières afin d’enlever ou d’ajouter des règles. Si besoin, l’entreprise peut également réaliser des sondages et prendre des mesures correctrices.
Au-delà des éléments obligatoires tels que l’identité des signataires, le lieu et la date de signature, la date d’entrée en vigueur, l’accord collectif doit également aborder d’autres points spécifiques. Votre assistant juridique augmenté QIIRO peut vous servir de guide dans votre démarche.
L’accord collectif doit indiquer les règles ainsi établies à l’issue des négociations. Il doit notamment inclure certains éléments dont :
Pour rédiger un accord collectif, vous pouvez vous inspirer de l’un de nos modèles et s’en servir comme base. Ceux-ci sont disponibles en téléchargement. Vous pouvez ensuite adapter les modalités à votre entreprise.