Le sujet des heures de délégation n’est pas toujours bien maîtrisé par les élus qui ne savent pas forcément comment prioriser ces heures ou quels sont exactement leurs droits. Voici donc 10 conseils qui vous permettront d'utiliser plus sereinement vos heures de délégation tout au long de votre mandat d’élu CSE.
Bien souvent, c’est l’employeur qui va informer les élus du nombre d’heures de délégation dont ils disposent. Prenez toujours le temps de vérifier que le nombre annoncé est le bon. Si des règles par défaut sont prévues dans le Code du travail, il peut exister un accord collectif ou un usage qui prévoit un quota plus favorable. Prenez ainsi le temps de consulter votre convention collective et de vous renseigner auprès des anciens élus CSE. Sachant que si l’effectif de l’entreprise a changé, le nombre d’heures de délégation aura aussi probablement changé puisque les deux sont liés.
Jetez aussi un coup d’oeil au protocole d’accord préélectoral (PAP) voir s’il prévoit quelque chose à ce sujet. Il peut en effet réduire le volume d’heures accordé à titre individuel mais pas le volume d’heures global.
Si votre entreprise applique les règles du Code du travail par défaut (C. trav., art. R. 2314-1), le nombre d’heures accordées à un élu titulaire va de 10 à 34 heures par mois selon l’effectif de l’entreprise. Voici un tableau récapitulatif du nombre d’heures de délégation accordé :
L’une des premières choses à faire quand le CSE a été mis en place, c’est de se pencher sur tout ce qu’il y a à faire au titre du mandat et de déterminer si les heures de délégation qu’on a nous paraissent cohérentes pour cela. Si certains élus sont amenés à s’impliquer davantage, il faut réfléchir à la possibilité de partager les heures de délégation si vous n’arrivez pas à négocier d’heures de délégation supplémentaires. Notamment pour en donner au secrétaire CSE ou au trésorier qui ne bénéficient pas de droit d’un crédit majoré.
Vous pouvez ainsi donner autant d'heures que vous le désirez à l’élu (ou aux élus) de votre choix. La seule limite, c’est qu’un même élu ne peut pas disposer dans un même mois de plus d’une fois et demi son crédit d’heures de délégation (C. trav., art. R. 2315-5).
Il faudra aussi penser à informer l'employeur du nombre d’heures de délégation réparties au titre de chaque mois au plus tard 8 jours avant la date prévue pour leur utilisation. Cette information se fait par un document écrit précisant l’identité des élus qui les reçoivent ainsi que le nombre d’heures mutualisées pour chacun d’eux (C. trav., art. L. 2315-9 et R. 2315-6).
Regardez aussi de près quel rôle les suppléants vont être amenés à jouer. Si vous souhaitez qu’ils s’impliquent davantage, réfléchissez aussi à leur donner des heures de délégation car ils n’en ont pas d’office. La question peut aussi se poser s’il y a des représentants de proximité.
Bon à savoir : un accord collectif ou le protocole d’accord préélectoral peut accorder des heures de délégation aux élus suppléants. Ils en ont aussi s’ils sont amenés à remplacer un élu titulaire puisqu’ils récupèrent son crédit d’heures.
Attention, le fait de mutualiser les heures de délégation ce n’est pas une décision collégiale même s’il est bon d’en discuter tous ensemble. Le crédit d’heures étant individuel, chaque élu doit décider de lui-même de donner ou non des heures, le CSE ne peut pas l’y contraindre.
Pour ne pas s’y perdre dans le suivi de ces heures de délégation, notamment si on n’en prend pas le même nombre chaque mois ou qu’on en donne, il est bon de s'organiser et de tout répertorier. Faites un tableau de suivi (sous excel, via un Google doc…). Ce tableau peut d’ailleurs être fait en commun pour avoir une idée de qui consomme quoi et de déterminer ainsi comment mieux optimiser la répartition des heures. L’idée étant aussi de pouvoir s’apercevoir si un élu ne prend pas assez d'heures et qu’elles risquent d’être perdues.
L'utilisation des heures de délégation est libre et il existe une présomption de bonne utilisation. Autrement dit, vous en faites ce que vous voulez à condition toutefois que leur usage se rapporte bien au mandat. Pas question en effet de les utiliser pour un motif strictement personnel !
Pour autant, on a vite fait d’oublier pourquoi on a pris telle ou telle heure. Or il y a quand même un risque que l’employeur conteste en justice l’utilisation des heures de délégation et en exige le remboursement car il les estime mal utilisées. Ce sera alors à lui de le prouver mais pour ne pas prendre de risque, prenez quelques notes rapides, et gardez précieusement tout élément permettant de justifier l’utilisation.
Sur le sujet des heures de délégation, c’est bien l’élu qui a la main, pas l’employeur.
Ne commencez pas à accepter de ne prendre des heures de délégation qu’à des moments bien précis où il y a “moins de travail”. Bien sûr il est de bon sens de le faire quand c’est possible. Mais ce qui doit primer, c’est l’intérêt des salariés et le fait de bien exercer son mandat. Si une situation imprévue nécessite de prendre en urgence des heures de délégation, il faut vous permettre de le faire.
N’acceptez pas aussi de toutes les regrouper sur une journée entière si ce n’est pas votre préférence. Vous pouvez les fractionner.
Quant au fait de respecter ou non un délai de prévenance, il est préférable pour tout le monde que la situation soit anticipée. Et donc que vous préveniez l’employeur à l’avance que vous allez prendre des heures de délégation de façon à ne pas désorganiser le travail. Mais si un délai de prévenance vous est imposé, il doit être assez court (1 mois paraît exagéré par exemple) sinon cela devient trop contraignant pour vous. En outre, on est bien dans un délai d’information, pas dans une demande d’autorisation…
Il est intéressant de ne pas se contenter d’avoir une vision des heures de délégation au mois le mois mais de se projeter sur toute l’année. Par exemple, si vous désirez suivre une formation complémentaire en cours d’année ou si vous savez d’office que vous avez des événements à planifier au titre des ASC (activités sociales et culturelles), pensez à anticiper que vous aurez besoin de davantage d’heures de délégation les mois concernés et à en mettre de côté.
Certains élus ont tendance à ne pas prendre leurs heures de délégation tant qu’il n’y a pas de nécessité absolue. Au cas où justement il y aurait des besoins imprévus en cours d’année.
Cela peut se justifier mais il faut veiller à ne pas se retrouver non plus en situation de les perdre. Les heures non prises un mois donné peuvent être reportées pendant 12 mois, après elles sont perdues. Perdues également les heures non prises alors que le mandat des élus CSE prend fin et que de nouvelles élections sont organisées.
En outre, la règle selon laquelle on ne peut pas disposer dans un même mois de plus d’une fois et demi son crédit d’heures de délégation conduit de facto à anticiper sinon vous ne pourrez pas tout utiliser en reportant pendant des mois (C. trav., art. R. 2315-5).
Si les élus constatent qu’ils commencent à avoir amassé un grand nombre d’heures de délégation, il ne faut donc pas hésiter à en prendre et à s’interroger sur les sujets qui ont pu être laissés de côté. Pourquoi pas, par exemple, en profiter pour aller à la rencontre des salariés et glaner des informations sur le terrain ?
Bon à savoir : Attention néanmoins à ne pas tout considérer comme des heures exceptionnelles. La Cour de cassation a précisé qu’il faut une activité inhabituelle, nécessitant, de la part des représentants, un surcroît de démarches et d'activité débordant le cadre de leurs tâches coutumières, en raison, notamment, de la soudaineté de l'événement ou de l'urgence des mesures à prendre (Cass. crim., 3 juin 1986, n° 84-94.424).
Le risque étant, en cas d’abus, de ne pas vous faire payer ses heures (l'employeur peut procéder à une retenue sur salaire) voire même de vous faire sanctionner.
Ne craignez pas les urgences, il y a toujours la possibilité de dépasser son crédit d’heures lorsque des circonstances exceptionnelles interviennent et que vous avez déjà épuisé vos heures de délégation. Par exemple, en cas d’absence simultanée de plusieurs membres du comité (Cass. soc., 12 mai 2021, n° 19-21.124).
On ne voit que trop de cas dans lesquels les élus ont posé des heures de délégation (généralement à la demande de l’employeur) alors qu’ils n'étaient pas obligés de le faire.
Prenons l’exemple de l’entretien préalable à un éventuel licenciement. Un élu qui va accompagner un salarié à un tel entretien doit voir sa rémunération maintenue sans avoir à poser des heures de délégation pour la durée de l’entretien.
Si vous désirez suivre une formation économique ou une formation SSCT et que vous remplissez les critères pour avoir droit à ces formations, vous n’avez pas non plus à poser d’heures de délégation. Le temps consacré aux formations obligatoires est pris sur le temps de travail et est rémunéré comme tel (C. trav., art. L.2315-16).
Est également payé comme temps de travail effectif et n’a pas à être déduit des heures de délégation, le temps passé :
Important : La question des réunions pose de grosses difficultés sur le point de savoir s’il faut poser des heures de délégation lorsqu’on dépasse une certaine durée, y compris pour les réunions CSE organisées par l’employeur. Sur ce sujet, reportez-vous à notre fiche pratique sur l’utilisation des heures de délégation.
Certaines situations sont complexes et vous pouvez avoir des doutes sur l’utilisation ou non d’heures de délégation ou leur paiement. Dans ce cas, n'hésitez pas à ouvrir le dialogue avec l’employeur et à lui exposer votre besoin et votre problématique. Par exemple dans le cas déjà évoqué où vous pensez que des circonstances exceptionnelles justifient un dépassement des heures. Il sera toujours préférable de régler la situation par une discussion que par une action en justice.
Il est possible d’utiliser ses heures de délégation hors temps de travail. Certains élus y sont très favorables car cela permet de ne pas empiéter sur leur travail au quotidien mais aussi d’être payés en heures supplémentaires ou complémentaires pour les salariés à temps partiel.
Néanmoins cette possibilité n’est pas totalement à la discrétion de l’élu, cela nécessite de pouvoir être justifié par les nécessités du mandat. Avec le risque sinon que l’employeur aille en justice pour exiger un remboursement.
Ce qu’il faut vraiment regarder, c’est si la prise d’heures de délégation hors temps de travail est utile pour votre mandat et vous permet par exemple de rencontrer des salariés que vous ne croisez pas sur votre temps de travail.
Bon à savoir : Il existe un cas de figure où la prise d’heures de délégation hors temps de travail s’impose : pour les salariés à temps partiel qui ont déjà pris des heures de délégation réduisant d’un tiers leur temps de travail. Le solde éventuel doit être posé en-dehors du temps de travail (C. trav., art. L. 3123-14).
Code du travail, articles L. 2315-7, R. 2314-1 et R. 2315-3 (définition des heures de délégation et cas des salariés au forfait jours), L.2315-8 et R. 2315-5 (cumul des heures), L. 2315-9 et R. 2315-6 (répartition des heures), L. 2315-10, L. 2315-11 et R. 2315-7(temps de travail effectif et contestation), L. 3123-14 (temps partiel), L. 2315-16 (formations)
117 questions-réponses du ministère du Travail sur le CSE
Guide du comité social et économique (CSE) dans les entreprises de 11 à 299 salariés (ministère du Travail)
Circulaire DRT n°13, 25 octobre 1983