Tout savoir sur le paiement des heures de délégation

Article publié le 14 février 2025

Tout élu titulaire du CSE a droit à des heures de délégation pour exercer son mandat. Ces heures peuvent en principe être prises librement sans que cela n’ait d’impact négatif sur votre rémunération. Mais savez-vous exactement quand et comment sont payées ces heures ? Ou si vous devez les voir apparaître sur votre bulletin de paie ? Il peut aussi être compliqué de savoir comment réagir si l’employeur refuse de les payer. Pour répondre à toutes ces interrogations, notre fiche guide vous propose un tour d'horizon complet sur le sujet du paiement des heures de délégation.

Combien sont payées les heures de délégation ?

Il n’y a pas de montant défini pour les heures de délégation, elles sont tout simplement payées comme du temps de travail effectif. Le salarié doit toucher la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait continué de travailler, au même taux horaire, avec les majorations éventuelles (pour ancienneté par exemple). 

Important : les heures de délégation sont assujetties aux différentes cotisations et contributions sociales et aux charges fiscales.

Lorsque les heures de délégation sont prises en dehors de l'horaire de travail en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées comme heures supplémentaires (le salarié ayant dépassé la durée légale de travail) ou en heures complémentaires pour les salariés à temps partiel.

Bon à savoir : les heures supplémentaires font l’objet d’une majoration de salaire. En l’absence d’accord collectif, cette majoration est de : 

  • 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires travaillées dans la même semaine (de la 36e à la 43e heure) ;
  • 50 % pour les heures suivantes. Cette majoration peut, sous certaines conditions, être remplacée par un repos compensateur. Un accord collectif peut prévoir une autre majoration sans pouvoir prévoir moins de 10 %.

Pour les heures complémentaires, en l’absence d’accord collectif, le taux de majoration est fixé à :

  • 10 % pour chaque heure complémentaire accomplie dans la limite de 1/10e de la durée de travail contractuelle ;
  • 25 % pour les heures suivantes.

Les heures de délégation utilisées hors temps de travail doivent respecter la réglementation sur la durée maximale du travail et le repos journalier (Cass. soc., 25 juin 2008, n° 06-46.223).

Le mandat ne doit pas priver un élu des temps de repos imposés. Les heures supplémentaires accomplies par un salarié protégé ouvrent droit au repos compensateur (Cass. soc., 13 déc. 1995, n° 92-44.389).

Important : les heures de délégation ouvrent aussi droit à un temps de pause prévu par la convention collective (Cass. soc., 26 juin 2001, n° 98-46.387).

Qu'en est-il s’il y a des accessoires de salaire ou des primes ?

L’élu qui utilise des heures de délégation ne doit pas subir de perte de salaire, ce qui englobe salaire de base, primes et accessoires.

Cela peut néanmoins soulever des difficultés lorsqu’il y a des primes liées à certaines situations.

La Cour de cassation considère qu’un élu ne peut être privé du fait de l'exercice de son mandat du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire.

Cela vaut même si en utilisant ses heures de délégation, le salarié n’est pas dans la situation qui fait l’objet de la prime (par exemple pour une prime de pénibilité).

La Cour de cassation considère que l’élu en heures de délégation a droit :

  • aux indemnités de repas liées au poste (Cass. soc., 3 mars 2010, n° 08-44.859) ;
  • aux indemnités pour travail de nuit (Cass. soc., 28 mars 1989, n° 86-42.291 86-42.292) ;
  • aux titres restaurant (Cass. soc., 9 juin 1988, n° 85-43.379).

La seule limite c’est que le salarié ne peut pas réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés (Cass. soc., 19 sept. 2018, n° 17-11.514).

Quand sont payées les heures de délégation ?

Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale (C. trav., art. L. 2315-10).

Les heures de délégation sont ainsi payées lors du versement de la paie correspondant au mois qui suit leur utilisation. 

Bon à savoir : si des heures de délégation ne sont pas utilisées, elles n’ont pas à être payées. Si l’élu n’utilise pas les possibilités de report et mutualisation, passé un délai de 12 mois, ces heures sont définitivement perdues.

Les heures de délégation sont-elles identifiées sur le bulletin de paie ?

Il est interdit de faire mention sur le bulletin de paie de l'activité de représentation des salariés (C. trav., art. R. 3243-4). Par conséquent, l’employeur ne peut pas indiquer l’existence d’heures de délégation sur le bulletin de paie sous peine d’amende.

Autrement dit, ces heures s’intègrent dans la ligne habituelle dédiée au temps de travail. Si des heures de délégation sont prises en-dehors du temps de travail, elles figurent dans une ligne heures supplémentaires (ou complémentaires).

Bon à savoir : L’INRS considère que la somme correspondant aux heures supplémentaires effectuées dans le cadre du mandat représentatif doit être versée de manière distincte.

La nature et le montant de la rémunération de l'activité de représentation figurent sur une fiche annexée au bulletin de paie qui a le même régime juridique que celui-ci et que l'employeur établit et fournit au salarié.

Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, il risque l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe (C. trav., art. R. 3246-2) soit 450 euros par fiche non éditée.

Bon à savoir : seuls les mois où vous prenez effectivement des heures de délégation nécessitent la remise d’une fiche. 

L’employeur peut-il refuser de payer des heures de délégation accomplies dans la limite du crédit d’heures ?

Même si l’employeur entend contester l’utilisation des heures de délégation en justice devant le conseil de prud’hommes, il doit d’abord payer. Cela vaut aussi bien pour les heures accomplies pendant le temps de travail qu'en-dehors. Il commet une faute en ne le faisant pas (Cass. soc., 18 juin 1997, n° 94-43.415).

Bon à savoir : l'employeur n’est pas autorisé à exiger avant tout paiement de l’élu qu’il lui rende compte de l'emploi de son temps ; une telle exigence constitue un délit d'entrave même si l'employeur paie à l'échéance normale les heures de délégation (Cass. crim., 22 nov. 1988, n° 87-84.669).

L’employeur peut demander des explications au salarié directement et au besoin passer par la voie judiciaire. Il peut passer devant le juge des référés pour demander des précisions avant de demander un remboursement devant le conseil de prud’hommes.

Si l’employeur n’a pas donné son accord au dépassement d’heures de délégation, doit-il les payer ?

Non, dans ce cas de figure, il n’a aucune obligation de les payer à l’échéance normale.  Il peut demander d’abord au salarié de justifier qu’il y a des circonstances exceptionnelles ; ce sera au salarié d’aller en justice pour demander le paiement si l’employeur n’est pas d’accord avec leur accomplissement et refuse le paiement.

Bon à savoir : le salarié doit alors prouver à la fois l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du crédit d'heures et la conformité de l'utilisation de ces heures avec sa mission.

L’employeur peut opérer une retenue sur salaire correspondant aux heures effectuées en trop pendant le temps de travail. La retenue effectuée doit strictement correspondre aux heures excédentaires. Elle peut être faite le mois suivant, aucune disposition légale n'obligeant un employeur à retenir les heures de dépassement sur le bulletin de salaire du mois au cours duquel ce dépassement a pu se produire (Cass. soc., 7 mai 1987, n° 83-45.480).

Le représentant du personnel a toutefois la possibilité de contester en justice en essayant de prouver que le dépassement se justifiait par des circonstances exceptionnelles

Bon à savoir : s’il n’y a pas de définition précise des circonstances exceptionnelles, La Cour de cassation a précisé qu’il faut une activité inhabituelle, nécessitant, de la part des représentants, un surcroît de démarches et d'activité débordant le cadre de leurs tâches coutumières, en raison, notamment, de la soudaineté de l'événement ou de l'urgence des mesures à prendre (Cass. crim.

Notez qu’un élu ne peut pas prétendre au paiement d’heures de délégation exceptionnelles, s’il n’a pas déjà épuisé son crédit d’heures mensuel normal à la date où se situe son intervention.

Que peut faire un élu qui se voit refuser le paiement d’heures de délégation ?

L’élu qui ne se voit pas payer ses heures de délégation à l’échéance normale, alors que le crédit d’heures n’est pas dépassé, peut intenter une action en justice (en référé) pour obtenir ce paiement. Une demande en provision correspondant à une partie impayée d’heures de délégation ne se heurte à aucune contestation sérieuse (Cass. soc., 9 juill. 2003, n° 01-41.038).

Une action en délit d’entrave au fonctionnement du CSE devant le tribunal correctionnel (puni de 7500 euros d’amende pour une personne physique) est aussi envisageable.

Il peut aussi saisir le conseil de prud'hommes (au fond) pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues et des intérêts (Cass. soc., 12 janv. 2005, n° 02-40.940).

Notez que les juges ont déjà admis que cela pouvait justifier une rupture du contrat aux torts de l’employeur notamment via la prise d’acte. 

Par exemple dans une affaire où l’employeur n’avait pas payé les heures de délégation pendant 5 mois (Cass. soc., 17 déc. 2014, n° 13-20.703) ou encore lorsqu’il n’avait payé ni les heures de délégation ni les heures supplémentaires (Cass. soc., 14 oct. 2015, n° 14-12.193).

En faisant la prise d’acte, il n’est pas nécessaire que le salarié donne d'indications sur les temps et heures de délégation qu'il a accomplies. Ce qui va compter, c’est si le crédit d’heures a été respecté et si les heures ont été ou non payées à l’échéance normale (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-12.112).

Bon à savoir : le défaut de paiement, par l'employeur, d’heures de délégation peut aussi constituer un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale (Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-15.825).

FAQ sur le paiement des heures de délégation

Les heures de délégation ont-elles un impact sur le calcul de la rémunération variable ?

Oui nécessairement ! Il ne faut pas que l’élu soit pénalisé par le temps qu’il passe en délégation ; cela doit être pris en considération lors de la détermination de ces objectifs qui doivent être réduits proportionnellement au temps d’absence.

La Cour de cassation a précisé que le salarié doit recevoir :

  • pour la partie de son activité correspondant à ses mandats, une somme tenant compte du montant moyen de la prime versée, pour un temps équivalent, aux autres salariés ;
  • pour la partie de son activité correspondant à son temps de production, une somme calculée sur la base d'objectifs réduits à la mesure de ce temps (Cass. soc., 6 juill. 2010, n° 09-41.354).

C’est à l’employeur d'établir que les objectifs qu'il avait fixés au salarié étaient réalisables notamment au regard des heures de délégation du salarié (Cass. soc., 3 juill. 2024, n° 22-22.283).

Les heures de délégation peuvent-elles être récupérées ?

Il n’est pas possible pour l’employeur de demander à un salarié de récupérer des heures pendant lesquelles il n’a pas travaillé car il a pris des heures de délégation. Ces heures étant assimilées à du temps de travail effectif.

Les heures de délégation peuvent-elles être rémunérées sous forme de primes ?

Non elles sont payées comme du salaire, au taux normal.

Le temps de trajet éventuel doit-il être rémunéré ?

Parfois l’élu souhaite utiliser des heures de délégation ailleurs que sur son lieu de travail, par exemple pour rencontrer l’inspection du travail. Dans ce cas, si rien n’a été prévu par accord collectif, le temps de trajet effectué hors temps de travail par un salarié placé en heures de délégation, lorsqu’il dépasse le temps de trajet habituel, est considéré aussi comme du temps de travail effectif rémunéré. Mais il doit être pris en heures de délégation. La Cour de cassation a précisé qu’il devait être pris en compte pour déterminer l’existence d’heures supplémentaires (Cass. soc., 27 janv. 2021, n° 19-22.038).

Bon à savoir : Le temps de trajet pour se rendre aux réunions du comité ou en revenir, dès lors qu'il est effectué en dehors de l'horaire normal du représentant du personnel, constitue un temps de travail effectif (Cass. soc., 20 févr. 2002, n°  99-44.760).

Les heures de délégation peuvent-elles être prises le dimanche ou un jour férié et comment sont-elles dès lors rémunérées ?

C’est possible de prendre des heures de délégation le dimanche ou un jour férié non travaillé mais il faut alors démontrer que cela se justifie par les nécessités du mandat ce qui peut être compliqué …(Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-24.049). S’agissant d’heures effectuées hors temps de travail, elles seront payées comme des heures supplémentaires. La question de la majoration pour travail le dimanche ou un jour férié peut se poser.

Comment se passe le paiement des heures de délégation pour les salariés en dispense d’activité (par exemple un salarié en préretraite) ?

L’employeur doit se référer aux horaires de travail que le salarié aurait théoriquement suivis s’il avait travaillé. Ainsi, si les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail théorique, alors elles doivent être rémunérées en plus de la rémunération du salarié (Cass. soc., 3 mars 2021, n°19-18.150).

Un syndicat peut-il aller en justice si l’employeur refuse de payer les heures de délégation ?

Oui, le refus de l'employeur de payer au salarié les heures de délégation supplémentaires, qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse, cause un préjudice collectif à la profession représentée par le syndicat. Il est donc légitime à agir (Cass. soc., 12 mai 2021, n° 19-21.124 à propos du trésorier du comité).

Existe-t-il des règles particulières pour les intérimaires ?

Oui, l’article L. 2315-13 du Code du travail prévoit que dans les entreprises de travail temporaire, les heures de délégation utilisées entre deux missions, conformément à des dispositions conventionnelles, par un membre titulaire du comité pour l'exercice de son mandat, sont considérées comme des heures de travail.

Ces heures de délégation sont réputées rattachées, en matière de rémunération et de charges sociales, au dernier contrat de mission avec l'entreprise de travail temporaire au titre de laquelle il a été élu membre titulaire du comité.

L’employeur doit-il rémunérer les heures de délégation prises pendant un arrêt maladie ou des congés payés ?

S’agissant d’un arrêt maladie, la rémunération s’impose si le médecin traitant a expressément autorisé la poursuite du mandat. 

Pour les congés payés, il n’y a pas de cumul de leur rémunération avec celle de l'indemnité de congés payés sauf exception (voir notre fiche pratique sur l’utilisation des heures de délégation).

Références

Code du travail, articles L. 2315-7, R. 2314-1 et  R. 2315-3 (définition des heures de délégation et cas des salariés au forfait jours),  L.2315-8 et R. 2315-5 (cumul des heures),  L. 2315-9 et R. 2315-6 (répartition des heures), L. 2315-10,  L. 2315-11 et R. 2315-7(temps de travail effectif, paiement à l’échéance normale), L. 3123-14 (temps partiel), R. 3243-4 et R. 3246-2 (interdiction dans le bulletin de paie et sanction)

117 questions-réponses du ministère du Travail sur le CSE

Guide du comité social et économique (CSE) dans les entreprises de 11 à 299 salariés (ministère du Travail)

Cour de cassation, chambre sociale, 3 juillet 2024, pourvoi n° 22-22.283 (prise en compte des heures de délégation lors de la fixation des objectifs)

Cour de cassation, chambre sociale, 26 juin 2024, pourvoi n° 23-12.112 (prise d’acte en cas de non paiement des heures de délégation)

Cour de cassation, chambre sociale, 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-19.658 (justifier du recours systématique des heures de délégation en dehors de son horaire habituel de travail)

Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.330 (à l’employeur d’établir la non-conformité de l'utilisation des heures de délégation)

Cour de cassation, chambre sociale, 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.194 (nécessité de préciser l’utilisation des heures de délégation sur demande de l’employeur)

Cour de cassation, chambre sociale, 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.781 (exemple d’utilisation d’heures de délégation sans rapport avec le mandat)

Cour de cassation, chambre sociale, 26 juin 2021, pourvoi n° 98-46.387 (droit à un temps de pause conventionnel)

Cour de cassation, chambre sociale, 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-11.514 (pas de remboursement de frais professionnels non exposés)

Cour de cassation, chambre sociale, 9 juillet 2003, pourvoi n° 01-41.038 (demande de provision)

Cour de cassation, chambre sociale, 18 juin 1997, pourvoi n° 94-43.415 (non-paiement et faute de l’employeur)

Cour de cassation, chambre sociale, 13 décembre 1995, pourvoi n° 92-44.389 (droit à repos compensateur pour les heures accomplies hors temps de travail)

Cour de cassation, chambre sociale, 13 décembre 1995, pourvoi n° 92-44.389 (droit à repos compensateur pour les heures accomplies hors temps de travail)

Cour de cassation, chambre sociale, 28 mars 1989, pourvois n° 86-42.291 et 86-42.292 (heures de délégation et indemnités pour travail de nuit)

Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 1988, n° 85-43.379 (heures de délégation et titres restaurant)

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