Lorsqu’on critique son supérieur hiérarchique, il convient d’être mesuré car la liberté d’expression ne protège pas de tout. Attention aux critiques excessives, surtout devant les autres… Retour sur ce sujet avec une nouvelle décision du 29 mai 2024.
Chaque salarié bénéficie dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
Il est donc possible de s’exprimer sur le fonctionnement de l’entreprise et donner sa pensée.
Votre employeur ne peut poser des limites que si :
Attention toutefois aux abus. Si un salarié à des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs il peut être sanctionné.
Aux juges d’apprécier au cas par cas !
Tout va dépendre en pratique de la nature des propos bien entendu, mais leur degré de diffusion, le poste du salarié dans l’entreprise peuvent aussi être pris en compte.
La Cour de cassation est généralement plus tolérante si les critiques sont adressées exclusivement au supérieur hiérarchique et ne sont pas étalées devant les autres salariés (voir notamment Cass. soc., 8 février 2000, n° 97-45.368 contre Cass. soc., 20 janvier 1999, n° 96-44.944 sur une note adressée à l’ensemble du personnel avec la volonté affichée de soulever l’opinion générale contre le directeur).
Mais même des propos tenus en dehors du temps et du lieu de travail peuvent être sanctionnés. Par exemple s’ils sont adressés à un autre salarié de l'entreprise afin de donner une mauvaise image de ses dirigeants et créer un malaise. Il y a manquement à l’obligation de loyauté (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-10.572).
L’année dernière la Cour de cassation a également reconnu un abus concernant un salarié qui avait émis des critiques à l'égard de son supérieur hiérarchique en des termes insultants et irrespectueux : J'aimerais que tes réponses soient en correspondance avec ton poste de manager et je ne veux plus de ce type de réponse bidon ; il avait aussi critiqué d’autres collègues de façon réitérée (Cass. soc., 14 juin 2023, n° 21-21.678).
Il y a quelques jours elle a à l’inverse écarté tout abus pour des propos vifs envers le directeur.
Dans cette affaire, un salarié est licencié après avoir adressé à son directeur une lettre de reproches. La cour d’appel constate que dedans, le salarié reproche à son directeur d'être homophobe, de « baratiner » ses salariés sur différents points, mais est également dénigrant quand il lui reproche personnellement de graves dysfonctionnements dans l'entreprise. Elle estime que ces propos excèdent l'exercice normal de la liberté d'expression.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Les termes, même vifs, employés par le salarié dans le courrier adressé uniquement au directeur pour critiquer sa gestion de l'entreprise et du personnel et dénoncer un harcèlement dont il s'estimait victime, ne caractérisaient pas un abus dans sa liberté d'expression.
Des questions sur la liberté d’expression ? L’équipe Qiiro est à votre disposition.
Cour de cassation, chambre sociale, 29 mai 2024, pourvoi n° 22-20.359