La Cour de cassation a admis, dans une décision du 21 janvier 2024, que les dirigeants d’une entreprise peuvent être sanctionnés pénalement pour avoir commis un « harcèlement moral institutionnel », c’est-à-dire résultant d’une politique d’entreprise. A propos de l’affaire France Télécom.
Le Code pénal (article 222-33-2-2) incrimine le « harcèlement moral au travail » sans mentionner spécifiquement la dimension « institutionnelle ».
La question s’est donc posée de savoir si la loi réprimant le « harcèlement moral au travail » permet de condamner des dirigeants pour une politique générale d’entreprise. Et la Cour de cassation a répondu positivement. Le « harcèlement moral institutionnel » entre bien dans le champ du « harcèlement moral au travail » tel que le conçoit le Code pénal.
Important : Selon la Cour de cassation, il y a harcèlement moral institutionnel lorsque des dirigeants déploient une politique d’entreprise qui, en connaissance de cause, conduit à une dégradation des conditions de travail de tout ou partie de leurs salariés. Cette dégradation doit être susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.
Elle souligne qu’il n’est pas imposé que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’une victime déterminée ou dans une relation interpersonnelle entre l’auteur et la victime. Le fait qu’auteur et victime appartiennent à la même communauté de travail est suffisant, pourvu que les victimes aient été susceptible de subir ou ait subi les conséquences visées par le Code pénal (l’atteinte à leurs droits, l'altération de leur santé…).
Dans cette affaire, le président-directeur général et plusieurs dirigeants d’une grande société (France Télecom) ont mis en place une politique d’entreprise qui a touché un quart de leurs employés. La politique d’entreprise étant définie par les juges par l’ensemble des décisions prises par les dirigeants ou les organes dirigeants d’une société visant à établir ses modes de gouvernance et d’action.
Un syndicat a porté plainte pour harcèlement moral dénonçant les conditions dans lesquelles la réduction des effectifs a été organisée.
Les juges du fond ont reconnu le harcèlement institutionnel en raison des agissements mettant en oeuvre un politique d’entreprise ayant pour but de structurer le travail d’une collectivité d’agents et porteurs d’une dégradation potentielle ou effective des conditions de travail.
Les dirigeants ont donc été pénalement condamnés pour harcèlement moral.
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