Si un employeur, d’autres salariés ou un syndicat diffusent le bulletin de paie d’un salarié, il y a atteinte à sa vie privée. Cela ouvre forcément droit à réparation vient de nous rappeler la Cour de cassation. A tempérer toutefois quand le droit à la preuve est en jeu…
Chacun a droit au respect de sa vie privée. C’est un grand principe qui nous vient du Code civil.
Grâce à ce principe, tout salarié peut s’opposer à ce que son bulletin de paie soit diffusé car il contient des données personnelles telles que sa rémunération bien sûr mais aussi :
Il suffit de constater une atteinte à la vie privée pour avoir droit à réparation.
Quelqu’un communique votre bulletin de paie sans votre accord : c’est une atteinte qui vous ouvre droit à réparation.
Dans une affaire récente, la cour d’appel avait refusé d’indemniser le salarié qui avait vu son bulletin de paie diffuser au motif que ce dernier n’avait pas apporté d'éléments démontrant que la communication de sa rémunération à des tiers avait eu un effet sur sa réputation, sa carrière ou son image dans l’entreprise.
Mais il n’avait pas à le faire ! Dès lors que sa vie privée a été atteinte, il devait être indemnisé.
Notez que dans cette affaire la diffusion ne provenait pas de l’employeur mais d’un autre syndicat que celui auquel appartenait le salarié.
La Cour de cassation a admis que le droit au respect de sa vie privée n’est pas total et peut être mis en balance avec d’autres droits notamment le droit à la preuve.
Il n’est donc pas complètement interdit de diffuser un bulletin de paie si sa production est nécessaire au droit à la preuve.
Mais cela implique de masquer les données personnelles qui ne sont pas indispensables.
La Cour de cassation nous a donné un exemple il y a quelques années concernant un litige sur des candidatures aux élections professionnelles. L’employeur estimait que certains salariés n’avaient pas la bonne classification professionnelle pour se présenter dans certains collèges. Afin d'établir la nature des fonctions exercées dans l'entreprise et leur classification, il a transmis à plusieurs syndicats le bulletin de paie des salariés concernés en intégralité.
Or seules les mentions relatives à l'emploi occupé et la classification voire au coefficient étaient nécessaires au succès de la demande de l'employeur dans le cadre du litige électoral. Il y avait donc une atteinte à la vie privée qui devait être réparée (Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-.16.799).
Plus récemment, elle a admis que des salariés agissant pour discrimination syndicale puissent demander, à titre de comparaison, communication des bulletins de salaires d’autres salariés dont la rémunération en masquant les informations qui ne sont pas strictement nécessaires (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13.238). Idem en matière d’égalité femmes-hommes (Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-12.492).
Dans tous les cas cela suppose toutefois :
Certains salariés s’estiment victimes d’une atteinte à la vie privée et veulent en savoir plus sur leurs droits ? L'équipe Qiiro est disponible pour répondre à toutes leurs interrogations.