Lorsque vous obtenez une preuve de façon déloyale ou illicite (par exemple un enregistrement clandestin), traditionnellement elle était écartée en cas de litige. Mais depuis l’année 2023, la Cour de cassation accepte de l’examiner sous certaines conditions. Voici quelques exemples dont le dernier date du 11 septembre 2024.
Vous ne pouvez pas enregistrer quelqu’un à son insu. Qu’il s’agisse de l’employeur ou d’un salarié.
Un enregistrement clandestin est donc illicite. Cela signifie normalement que cet élément est irrecevable dans un procès. Mais ce n’est plus vrai devant les prud’hommes…
Depuis 2023 la Cour de cassation a modifié sa position. Elle considère désormais qu’une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale n’est plus forcément écartée lors d’un procès.
Il faut regarder si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits en présence.
Si la production de l’élément en question est :
Elle vient à nouveau de confirmer cette position dans une affaire du 10 juillet.
Dans cette affaire, une salariée a enregistré un entretien avec son employeur pour prouver la réalité du harcèlement subi depuis plusieurs mois. La cour d’appel écarte cet enregistrement clandestin estimant qu’elle avait d’autres choix pour prouver la réalité du harcèlement et que l’atteinte au principe de la loyauté dans l'administration de la preuve n’est pas proportionnée.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Avant d'écarter cet enregistrement il fallait :
L’affaire sera donc rejugée.
Rappel : en matière de harcèlement moral, la preuve est partagée (voir notre article Harcèlement moral : nouvelle illustration du partage de la preuve).
Dans une autre affaire qui date de janvier, la Cour de cassation a par contre écarté la retranscription de l'entretien d’un salarié avec les membres du CHSCT désignés pour réaliser une enquête sur l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur. En effet, la production de l'enregistrement clandestin des membres du CHSCT n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié, d’une part car il y avait un rapport d’enquête auxquels le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés et, d’autre part, car le salarié produisait d’autres éléments laissant supposer un harcèlement moral.
En matière de harcèlement moral, une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale ne sera donc recevable que lorsque le salarié n’a aucun autre moyen pour faire jouer la présomption de harcèlement moral.
Une autre décision du 11 septembre 2024 montre l'importance de vérifier que l’atteinte aux droits à la vie personnelle est proportionnée. Dans cette affaire, une salariée s’estimant victime de harcèlement moral avait produit cette fois des courriels d’autres salariés grâce à un document contenant les mots de passe des messageries des salariés de la société qui lui a permis de récupérer une partie des courriels produits. Ici, c’est les droits d’autres salariés qui avaient violé, l’un ayant même porté plainte. Il n’a pas été caractérisé que l’atteinte aux droits à la vie personnelle des salariés concernés était proportionnée au but poursuivi.
Des questions liées à la preuve ou au harcèlement moral ? L’équipe Qiiro est à votre disposition.