Un salarié en télétravail peut-il exiger de son employeur qu’il prenne en charge les frais du télétravail ? Deux cours d’appels viennent d’apporter une réponse contradictoire sur ce sujet.
Le Code du travail n’impose pas à l’employeur de prendre en charge les frais de télétravail. Cela a été supprimé il y a plus de 7 ans (ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail qui a modifié l’article L. 1222-10 du Code du travail).
Par contre il y a des ANI (accord national interprofessionnel) sur le sujet.
Le premier date de 2005 et a été étendu en 2006. Il indique que l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications.
Le second a été étendu en avril 2021. Il prévoit qu’il appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur. Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise.
Cet article est étendu sous réserve que la validation de l'employeur soit interprétée comme étant préalable, et non postérieure, à l'engagement des dépenses par le salarié.
Ces ANI s'appliquent à toutes les entreprises et les salariés compris dans leur champ d'application. Autrement dit à tous les secteurs professionnels représentés par les organisations patronales signataires (MEDEF, CPME (ex-CGMPE) et U2P).
Les dispositions des ANI peuvent être écartées par la conclusion d'un accord d'entreprise, d'établissement ou de groupe sur le télétravail mais pas par une charte (C. trav., art. L. 2252-1 et L. 2252-3).
La Cour de cassation n’a pas rendu de décision récente sur l’indemnisation des frais du télétravail. Mais de façon plus globale, elle considère que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur sont pris en charge par l’employeur (notamment Cass. soc., 8 novembre 2017, 16-14.664).
Cela semble donc s’appliquer aux frais du télétravail.
Mais une décision de la Cour d’appel de Paris vient de semer le doute.
Elle a rejeté la demande de dommages et intérêts d’une salariée qui n’avait eu aucune prise en charge des frais liés au télétravail. En soulignant notamment qu’il n’y a plus d’obligation de prise en charge dans le Code du travail, qu’aucun accord à ce sujet n’a été formalisé entre les parties et que le recours au télétravail n’a pas été imposé. La salariée ne produisait également aucun justificatif de frais.
Mais quelques jours auparavant, la Cour d’appel de Versailles a pris une toute autre position.
En s'appuyant sur les ANI, elle considère que la prise en charge des frais exposés dans le cadre du télétravail, y compris en cas de circonstances exceptionnelles comparables à la crise sanitaire, est obligatoire pour l'employeur. Peu importe qu’elle ne soit pas prévue par un accord ou la charte du télétravail.
Elle précise également que le montant de l'indemnisation forfaitaire ne peut être inférieur aux frais réellement engagés. En l’absence de fixation par l’employeur, les juges peuvent se baser sur le plafond de prise en charge exonérée de cotisation sociale de l’URSSAF.
Il faudra donc suivre attentivement ce qu'en dira la Cour de cassation...
Le télétravail est un sujet que vous devez aborder régulièrement avec l’employeur, déjà dans le cadre de la consultation sur la politique sociale (à partir de 50 salariés) car il touche aux conditions de travail.
Votre mission en santé-sécurité vous oblige à être particulièrement vigilant à la situation des salariés en télétravail . Vous devez participer avec l’employeur à prévenir tout risque d’isolement, d’hyperconnexion et alerter à ce sujet.
N’oubliez pas que même si les salariés en télétravail ne sont pas là physiquement, vous devez les défendre tout autant que les autres et leur donner accès aux mêmes informations. Assurez-vous notamment à ce qu’ils puissent vous contacter facilement (avec des permanences téléphoniques par exemple).
Sur le sujet de l’indemnité des frais en télétravail, veillez à ce que le salarié connaisse bien la question et puisse l’évoquer dès la mise en place du télétravail. Si vous êtes associés à la mise en place du télétravail (vous devez notamment être consulté lorsqu'il est mis en place via une charte), il s’agit d’un point primordial à soulever.
Des questions ? Venez les poser à l’équipe Qiiro.