Le télétravail n’empêche pas la reconnaissance d’un accident du travail. Plusieurs exemples nous ont été donnés récemment par les juges. Dont celui du salarié en surcharge de travail qui craque après un entretien téléphonique avec son employeur ou à qui on annonce une réorganisation de l’équipe au téléphone.
Le Code du travail est très clair : l'accident qui survient sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail (C. trav., art. L.1222-9).
Il y a donc 2 critères principaux :
Si un salarié est victime d’un tel accident, il doit informer son employeur dans les 24 heures mais il a intérêt en pratique à le faire immédiatement. Il faut également faire constater son état par un médecin.
L’employeur devra alors déclarer l’accident du travail dans les 48 heures auprès de la caisse d’assurance maladie. Tout en gardant la possibilité de contester en émettant des réserves. Par exemple s’il estime que l’accident n’avait aucun lien avec le travail et que le travail était interrompu ( le salarié se blesse en tondant, en repassant…).
S’il n’est pas clair que l’accident a bien eu lieu au temps et au lieu de travail, l’accident du travail ne sera pas présumé et ce sera au salarié d’essayer d’apporter des éléments de preuve.
Avec l’essor du télétravail depuis la crise sanitaire, on trouve de plus en plus d’affaires en justice à ce sujet, au niveau des cours d’appels pour le moment.
Dernier exemple en date : une décision de la cour d’appel de Toulouse du 13 mars 2025. En l’espèce une salariée en télétravail reçoit, pendant son temps de travail, un appel téléphonique soudain, inattendu lui annonçant une réorganisation de l'équipe. Il a été évoqué le rétablissement de relations professionnelles entre la salariée et son ancien supérieur alors qu’un contentieux avait conduit le service des ressources humaines, après avis de la médecine du travail suite à un arrêt de travail de la salariée, à veiller à ce qu’elle ne soit plus affectée dans son service.
Suite à cet appel, son médecin diagnostique un état anxio-dépressif réactionnel.
Pour la cour d’appel, avec cet appel, il y a bien un fait accidentel soudain à l'origine des lésions psychiques de la salariée.
Elle relève un climat anxiogène et les éléments de preuve apportés par la salariée : le certificat médical établi le jour même, et un courriel concernant le déroulement de sa journée de travail, décrivant dans le détail tant le contenu de l'appel téléphonique que la dévastation psychique qu'il lui a provoquée.
Autre exemple avec la cour d’appel de Grenoble le 9 mars 2024.
L’affaire concernait une salariée en télétravail qui se plaignait d’une surcharge de travail. Son responsable l’appelle à ce sujet et la conversation se passe mal. La salariée explique que l’employeur l’a mis en cause (“toi ça ne va jamais”) ce qui l’a fait craquer. Elle produit un certificat médical faisant état d’un état de stress post-traumatique, d’une anxiodépression réactionnelle et la nécessité d’une prise en charge psy.
La caisse refuse pourtant de reconnaître un accident du travail estimant que le fait accidentel supposé s’est passé au téléphone et ne repose que sur une déclaration unilatérale de la salariée faute de témoins. Pour elle, un simple entretien avec son responsable ne peut constituer en lui-même un fait accidentel.
La cour d’appel commence par rappeler qu’il a déjà été jugé qu'une dépression nerveuse soudaine, intervenue après un entretien d'évaluation, peut être prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.
Dans cette affaire, il n’était pas contesté qu’il y avait eu un entretien téléphonique évoquant la charge de travail et en plus de la constatation de son état de stress par un médecin, la salariée produisait des attestations de collègues et amies sur son état. Dès lors, les juges ont estimé qu’il y avait bien eu un fait accidentel au temps et au lieu du travail à l’origine de l’effondrement psychologique de la salariée. C’était à la caisse de démontrer le contraire, ce qu’elle n’a pas ici réussi à faire.
Bon à savoir : D’autres cours d’appel ont à l’inverse rejeté la qualification d’accident du travail pour des salariés en télétravail.
1er exemple : Une salariée qui chute dans les escaliers chez elle alors qu’elle télétravaillait dans un sous-sol aménagé. Cette salariée s’était déconnectée après la fin de sa journée de travail et avait informé son employeur de sa chute plus d’une heure après. La cour d’appel en a déduit que l’accident était survenu en dehors du temps de télétravail. A cause de cet espace temps d’une heure (CA d’Amiens, 15 juin 2023, RG n° 22/00474).
2nd exemple : Un salarié en plein télétravail s’interrompt après un accident sur la voie publique à côté de chez lui qui a coupé sa connexion Internet. En allant voir, il est blessé par la chute d’un poteau électrique. La cour d’appel juge sévèrement que le salarié n’est plus sur le lieu de travail et avait interrompu son travail ; il n’était pas dans sa mission d'identifier l’origine de la panne (CA de Saint-Denis de la Réunion, 4 mai 2023, RG n° 22/00884).
En tant que CSE, vous devez défendre les salariés en présentiel mais aussi ceux en télétravail. Un salarié en télétravail peut vous demander de porter une réclamation face à l’employeur. Il est primordial de réussir à garder le contact avec les salariés en télétravail. Vous avez des interrogations ou des difficultés à ce sujet comme les moyens de les contacter ou la possibilité de se déplacer pour les rencontrer ? Venez poser toutes vos questions à nos juristes Qiiro.