Une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale peut être examinée par le conseil de prud’hommes. Qu’elle soit produite par le salarié ou l’employeur. Encore faut-il que ce soit la seule solution pour prouver des faits et que l’éventuelle atteinte à la vie privée ne soit pas trop importante. Voici des exemples récents où la preuve illicite a été admise ou refusée.
La Cour de cassation considère désormais qu’une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale (par exemple un enregistrement clandestin) n’est plus forcément écartée lors d’un procès. Elle l’a clairement affirmé en assemblée plénière en décembre 2023.
Il faut dorénavant regarder si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits en présence. C’est souvent une balance droit à la preuve / droit au respect de la vie privée.
Si la production de l’élément en question est :
Voyons quelques exemples concrets.
Commençons par des cas où la preuve concernait un système de vidéosurveillance illicite.
Rappel : Le CSE et les salariés doivent être informés préalablement de l’existence d’un dispositif de contrôle dans les lieux de travail par vidéosurveillance. Sinon la preuve découlant de ce système est illicite.
Avec une première affaire dans laquelle l'employeur n’avait pas informé les salariés de la finalité du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait. Ici les enregistrements avaient permis de confirmer les soupçons de vol et d'abus de confiance à l'encontre de la salariée, révélés par un audit. Mais la production des enregistrements litigieux n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur, dès lors que celui-ci disposait d'un autre moyen de preuve. L’enregistrement a donc été écarté !
A l'inverse, voyons maintenant une affaire où l'enregistrement issu de la vidéosurveillance illicite a été admis. Ici, après avoir constaté des anomalies dans les stocks, la société avait envisagé l'hypothèse de vols par des clients d'où le visionnage d’enregistrements. Ce visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeante de l'entreprise.
Les juges ont estimé que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.
Passons maintenant au sujet des enregistrements audio clandestins.
Dans une affaire toute récente, une salariée a enregistré un entretien avec son employeur pour prouver la réalité du harcèlement subi depuis plusieurs mois. La cour d’appel écarte cet enregistrement clandestin estimant qu’elle avait d’autres choix pour prouver la réalité du harcèlement et que l’atteinte au principe de la loyauté dans l'administration de la preuve n’est pas proportionnée.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Avant d'écarter cet enregistrement il fallait :
L’affaire sera donc rejugée.
On peut la rapprocher d’une autre affaire rendue en janvier dernier dans laquelle la Cour de cassation a par contre écarté la retranscription de l'entretien d’un salarié avec les membres du CHSCT désignés pour réaliser une enquête sur l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur. En effet, la production de l'enregistrement clandestin n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié, d’une part car il y avait un rapport d’enquête auxquels le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés et, d’autre part, car le salarié produisait d’autres éléments laissant supposer un harcèlement moral.
On le voit la nuance peut être subtile, mais en tout cas même une preuve illicite peut avoir une valeur…
Des questions ? L’équipe Qiiro est à votre disposition.