Vidéosurveillance ou enregistrement clandestin : même si la preuve est obtenue de façon déloyale, elle peut servir !

Rédigé par anne-lise Castell
Mis à jour le 4 mars 2025

Une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale peut être examinée par le conseil de prud’hommes. Qu’elle soit produite par le salarié ou l’employeur. Encore faut-il que ce soit la seule solution pour prouver des faits et que l’éventuelle atteinte à la vie privée ne soit pas trop importante. Voici des exemples récents sur la vidéosurveillance ou des enregistrements clandestins où la preuve illicite a été admise ou refusée.

Quelques rappels sur la preuve illicite et sa recevabilité

La Cour de cassation considère désormais qu’une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale (par exemple un enregistrement clandestin) n’est plus forcément écartée lors d’un procès. Elle l’a clairement affirmé en assemblée plénière en décembre 2023.

Il faut dorénavant regarder si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits en présence. C’est souvent une balance droit à la preuve / droit au respect de la vie privée.

Si la production de l’élément en question est :

  • indispensable au droit à la preuve ;
  • et que l’atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi, il peut être produit en justice.

Voyons quelques exemples concrets.

Icon megaphone
Bon à savoir
Icon représentant le panneau attention
Important !
Modèle de document gratuit
Télécharger

Exemples de preuve illicite admise ou rejetée

Le cas des vidéosurveillances

Commençons par des cas où la preuve concernait un système de vidéosurveillance illicite.

Rappel : Le CSE et les salariés doivent être informés préalablement de l’existence d’un dispositif de contrôle dans les lieux de travail par vidéosurveillance. Sinon la preuve découlant de ce système est illicite.

Avec une première affaire dans laquelle l'employeur n’avait pas informé les salariés de la finalité du dispositif de vidéosurveillance ni de la base juridique qui le justifiait. Ici les enregistrements avaient permis de confirmer les soupçons de vol et d'abus de confiance à l'encontre de la salariée, révélés par un audit. Mais la production des enregistrements litigieux n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur, dès lors que celui-ci disposait d'un autre moyen de preuve. L’enregistrement a donc été écarté !

A l'inverse, voyons maintenant d’autres affaires où l'enregistrement issu de la vidéosurveillance illicite a été admis. Dans la première affaire, après avoir constaté des anomalies dans les stocks, la société avait envisagé l'hypothèse de vols par des clients d'où le visionnage d’enregistrements. Ce visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeante de l'entreprise.

Les juges ont estimé que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

Une seconde affaire du 26 février 2025 est à signaler. Il s’agissait de la retranscription d'enregistrements vidéos réalisés dans les locaux de l'entreprise à l'insu du salarié. La cour d’appel constate que la production en justice de la retranscription d'enregistrements vidéos réalisés dans les locaux de l'entreprise à l'insu d'un salarié constitue un procédé déloyal et une atteinte à la vie privée du salarié, s'agissant de l'exploitation de données personnelles. Mais l'employeur s'était borné à produire la retranscription des conversations relatives à son activité professionnelle et il n'était pas démontré que l'employeur avait mis en oeuvre, avec la complicité d'un autre salarié, un stratagème visant à le piéger et à provoquer la commission d'une faute.

Cette preuve, bien que déloyale, a donc pu être utilisée pour établir le grief de divulgation par le salarié de données hautement confidentielles à caractère technique et commercial à une entreprise tierce. Elle était en effet indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la confidentialité de ses affaires.

Le cas des enregistrements clandestins

Passons maintenant au sujet des enregistrements audio clandestins.

Dans une affaire de juiillet 2024, une salariée a enregistré un entretien avec son employeur pour prouver la réalité du harcèlement subi depuis plusieurs mois. La cour d’appel écarte cet enregistrement clandestin estimant qu’elle avait d’autres choix pour prouver la réalité du harcèlement et que l’atteinte au principe de la loyauté dans l'administration de la preuve n’est pas proportionnée.

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Avant d'écarter cet enregistrement il fallait : 

  1. vérifier si la production de l'enregistrement de l'entretien était indispensable à l'exercice du droit à la preuve du harcèlement moral allégué ; ici la salariée invoquait, au titre des éléments permettant de présumer l'existence de ce harcèlement, les pressions exercées par l'employeur pour qu'elle accepte une rupture conventionnelle ;
  2. et si oui, vérifier si l'atteinte au respect de la vie personnelle de l'employeur n'était pas strictement proportionnée au but poursuivi.

L’affaire sera donc rejugée.

On peut la rapprocher d’une autre affaire rendue en janvier 2024 dans laquelle la Cour de cassation a par contre écarté la retranscription de l'entretien d’un salarié avec les membres du CHSCT désignés pour réaliser une enquête sur l'existence d'un harcèlement moral de l'employeur. En effet, la production de l'enregistrement clandestin n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié, d’une part car il y avait un rapport d’enquête auxquels  le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés et, d’autre part, car le salarié produisait d’autres éléments laissant supposer un harcèlement moral.

On le voit la nuance peut être subtile, mais en tout cas même une preuve illicite peut avoir une valeur…

Icon megaphone
Bon à savoir
Icon représentant le panneau attention
Important !
Modèle de document gratuit
Télécharger

Icon megaphone
Bon à savoir
Icon représentant le panneau attention
Important !
Modèle de document gratuit
Télécharger

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Icon megaphone
Bon à savoir

Des questions ? L’équipe Qiiro est à votre disposition.

Références
  • Cour de cassation, chambre sociale, 26 février 2025, pourvoi n° 22-24.474
  • Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2024, pourvoi n° 23-14.900
  • Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, pourvoi n° 22-17.474
  • Cour de cassation, chambre sociale, 14 février 2024, n° 22-23.073,
  • Cour de cassation, assemblée plénière, 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20.648
  • Cour de cassation, chambre sociale, 8 mars 2023, pourvoi n° 21-17.802
Daily’Entreprise, la newsletter consacrée à l’actualité des entreprises
Recevez chaque semaine les toutes dernières actualités autour des entreprises rédigées par nos juristes experts en droit social.
Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.