Signalement de discrimination et harcèlement : ce qu’il faut savoir sur l’enquête interne

Article Rédigé par anne-lise Castell
Publié le 11 février 2025

Le Défenseur des droits, qui a constaté de nombreux manquements dans l’organisation et la réalisation des enquêtes internes par les employeurs, vient de délivrer un guide complet de 45 pages pour mieux les organiser. Il donne des recommandations que les entreprises doivent suivre et donc que les élus ont tout intérêt à connaître. Décryptage des points clés à retenir.

Quelques rappels sur l’importance de l’enquête interne

La première chose à retenir de ce guide, c’est que le Défenseur des droits fait de l’enquête interne une étape indispensable lorsque l’employeur reçoit un signalement de harcèlement sexuel ou de discrimination qui nécessite des investigations complémentaires. L’enquête interne est décidée par l’employeur et peut être confiée à un prestataire extérieur.

L’idée c’est d'avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits, de façon à pouvoir réagir et protéger la victime présumée.

Une enquête sérieuse bénéficie à l’ensemble des parties car cela :

  • protège d’éventuelles représailles ;
  • permet de faire la lumière sur les faits signalés ;
  • décourage leur répétition ;
  • justifie la sanction ou l’absence de sanction contre la personne mise en cause ;
  • et permet à l’employeur de remplir son obligation de sécurité.
Bon à savoir: La Cour de cassation considère de son côté que l’absence d’enquête interne ne constitue pas automatiquement un manquement à l’obligation de sécurité. Ce qui compte c’est que l’employeur prenne des mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité des salariés (voir notre article à ce sujet).

Ce qui a poussé le Défenseur des droits a publié des recommandations, c’est la forte disparité des pratiques et de nombreux manquements dans l’organisation et la réalisation des enquêtes internes qu’il a constaté : information défaillante des salariés, absence d’enquête, longueur de la procédure, absence de sanction ou sanction non proportionnée à la gravité des faits, absence de formation des enquêteurs… Cela conduit à fragiliser la qualification juridique des faits dénoncés par le salarié.

L’enquête interne n’étant soumise à aucun formalisme ni méthodologie par le Code du travail, le Défenseur des droits a donc livré sa méthodologie. 

Il souligne que “si les recommandations énoncées doivent être respectées, il peut être nécessaire d’adapter en pratique la méthodologie dans les petites et très petites entreprises ne disposant pas de moyens humains ou matériels suffisants pour les observer, à condition que l’employeur puisse en justifier”.

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Les recommandations du Défenseur des droits à chaque étape de l’enquête interne

Le Défenseur des droits a fait des recommandations pour chaque étape de la procédure d’enquête interne, du recueil du signalement aux éventuelles suites disciplinaires contre la personne mise en cause.

Concernant la mise en place des dispositifs d’écoute et de recueil du signalement 

Deux recommandations sont à souligner :

  • il est préconisé que la cellule d’écoute et le dispositif de signalement soient facilement accessibles au travers de différents canaux : email, adresse dédiée, téléphone, chat ..
  • et que l’accès soit large : ensemble des salariés, anciens salariés, candidats.
Bon à savoir : Le dispositif de signalement se distingue de la cellule d’écoute en ce qu’il permet de signaler une situation à l’employeur et entraîne donc pour l’employeur l’obligation de traiter le signalement.

Il est important de faire connaître par une communication régulière aux personnes travaillant dans l’organisation les voies de signalement mises en place. Le Défenseur des droits souligne en effet que le très faible taux de recours aux dispositifs de signalement s’explique en partie par un manque d’information des salariés (mais aussi un manque de confiance envers les garanties d’impartialité et de confidentialité qu’ils offrent).

Concernant le recueil du signalement 

Il est recommandé aux employeurs, quel que soit l’effectif de l'entreprise et le moyen choisi pour transmettre un signalement :

  • d’en accuser réception auprès du salarié ;
  • de lui demander de communiquer, s’il en dispose, tout élément permettant d’appuyer son signalement et de faciliter l’éventuelle enquête ;
  • de garantir la stricte confidentialité des informations recueillies.

Concernant la réaction à adopter

Le point principal soulevé c’est la réactivité. 

Le Défenseur des droits recommande que l’enquête soit ouverte dans un délai raisonnable après le signalement n’excédant pas 2 mois, et qu’elle soit conclue dans des délais les plus brefs possibles.

Important : l’employeur ne doit pas différer l’ouverture de l’enquête interne dans l’attente du résultat d’une éventuelle procédure pénale, civile ou administrative, il doit réagir dès le premier signalement. Peu importe également que la victime ou le mis en cause soient en arrêt maladie ou aient quitté l'entreprise, cela ne dispense pas d’ouvrir une enquête.

Concernant la protection

Le Défenseur des droits zoome sur l’importance de prendre en compte la dégradation de l’état de santé de la personne qui a signalé les faits. Il recommande par exemple :

  • en cas d’arrêt maladie, d’anticiper la reprise en lui proposant d’échanger, si elle le souhaite, sur les mesures de protection qui pourraient être mises en place à son retour ;
  • de lui permettre de ne pas côtoyer la personne mise en cause, et ce dès le stade de l’enquête. Une mise à pied conservatoire, un placement en télétravail peuvent ainsi être décidés à l’égard de la personne mise en cause pendant l’enquête à titre temporaire. 

Concernant l’enquête

Plusieurs recommandations à retenir :

  • fixer précisément en amont la méthodologie de l’enquête interne, en la formalisant dans une décision prise après information du CSE ;
  • si une enquête interne est ouverte, informer la personne ayant signalé les faits, la victime présumée et la personne mise en cause, sauf s’il existe un risque de pression ;
  • rappeler à tous le principe de stricte confidentialité et faire signer une attestation de confidentialité. Il faut aussi éviter les entretiens dans des lieux publics, dans des lieux de passage, des salles de réunions vitrées, etc. 
  • faire mener l’enquête par au moins deux personnes (garantie d’objectivité et d’impartialité) dont au moins un détient une formation juridique solide et actualisée sur les discriminations au travail, incluant les notions de harcèlement discriminatoire, de harcèlement sexuel, de harcèlement d’ambiance et le principe de l’aménagement de la charge de la preuve ;
  • les enregistrements clandestins ne doivent pas être écartés par principe et des auditions de tiers sont possibles ;
  • conserver l’anonymat d’une personne dans le rapport d’enquête ainsi que lors de la phase de restitution de l’enquête c’est possible (toutefois, l’enquêteur devra conserver une version non anonymisée) ; 
  • l’organisation d’une confrontation entre les salariés concernés est à proscrire compte-tenu des risques psycho-sociaux ;
  • la rédaction des procès-verbaux est importante  : nécessité de retranscrire fidèlement les questions posées par les enquêteurs et les réponses des personnes entendues.

Concernant la qualification des faits et la sanction

Pour qualifier les faits, l’employeur doit veiller à ne pas les minimiser. Il est recommandé  d’avoir une appréciation objective, neutre et loyale de l’ensemble des éléments portés à leur connaissance lors de l’enquête interne et d’en tirer les conséquences sur la qualification des faits.

Deux observations essentielles à retenir :

  • les victimes présumées ne sont pas entendues dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre du mis en cause alors que cette faculté est prévue par la loi ;
  • la personne qui a signalé les faits ignore généralement si des sanctions disciplinaires ont été infligées à l’encontre de la personne mise en cause. Le Défenseur des droits recommande donc d’informer les victimes de l’issue de la procédure disciplinaire.
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L’enquête interne peut être externalisée, c’est-à-dire confiée à un prestataire extérieur à l’entreprise tel qu’un cabinet de juristes, ou d’avocats. Qiiro peut vous accompagner sur ce sujet.

A lire également : Enquête interne en cas de discrimination ou harcèlement : 8 recommandations qui intéressent directement les élus CSE

Références
  • Décision cadre du Défenseur des droits n°2025-019 Discrimination et harcèlement sexuel dans l’emploi privé et public : recueil du signalement et enquête interne, 5 février 2025
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